La conquête, en quelques lignes..
"Un missionnaire, pourtant, qui peut être considéré comme le précurseur de l'intervention française en Indochine, Mgr Pigneau de Béhaine, vicaire apostolique en Cochinchine et évêque d'Adran, n'avait pas attendu pour agir l'intervention officielle. Il persuada le futur Empereur d'Annam, Gialong, de recourir à l'appui du roi de France contre les Tayson.
Cette première intervention eut pour résultat la signature du traité de Versailles entre Louis XVI et le fils de Gialong en 1787, traité qui procurait à la France la baie de Tourane et l'île de Poulo Condor. Les officiers français qui vinrent à la cour de Hué former une armée disciplinée défendirent l'Annam contre les Anglais pendant la Révolution et l'Empire. Chaigneau, le dernier survivant, mourut en 1822 avec le titre de consul à Hué que lui avait conféré le duc de Richelieu.
Cependant, un revirement se produisit contre les Français et cette rage de persécution devint plus violente encore lors de l'avènement de Tu-Duc qui voyait dans les Français d'implacables ennemis " qui aboient comme des chiens et qui fuient comme des chèvres ". Tu-Duc brava même si ouvertement l'Europe que les deux États les plus directement intéressés, la France et l'Espagne, se décidèrent à envoyer une petite escadre sous la direction de l'amiral Rigault de Genouilly en 1847.
Une nouvelle intervention eut lieu à Tourane en 1852, sous le règne de Tu-Duc, à la suite du meurtre de plusieurs missionnaires ; elle fut suivie en 1858 par l'envoi d'une expédition franco-espagnole qui s'empara de Tourane, puis, de Saigon, en 1859. Les guerres que soutenait l'Empire français en Italie et en Chine détournèrent un moment l'attention de la France. Tourane nous fut enlevé et Saigon fut bloqué. En 1861, l'amiral Charner, à la tête d'une véritable expédition, où ne figurèrent cette fois qu'un petit nombre d'Espagnols, conquit une partie de la Cochinchine. Le 5 juin 1862, l'amiral Bonard signait au " Camp des Lettrés "un traité qui cédait, à la France les trois provinces orientales du delta du Mékong, celles de Saigon, de Mytho et de Bien-hoa. Quelques années plus tard, en 1867, l'amiral de la Grandière terminait la conquête de la Cochinchine par la prise, des places les plus importantes et l'empereur Tu-Duc se rendait repentant au Temple de Plumg-Tien, se reconnaissant coupable " d'avoir manqué à son devoir en n'ayant pas su conserver intact le patrimoine de ses ancêtres. " Ainsi, les six provinces du delta du Mékong étaient définitivement occupées et la Cochinchine était tombée entre nos mains.
Déjà, le 11 avril 1863, le roi Norodom, pour échapper à la tutelle onéreuse du Siam et de l'Annam qui se disputaient l'exploitation du Cambodge, avait signé avec l'amiral de la Grandière un traité de protectorat.
Mais, de plus grandes espérances étaient conçues et, à l'heure où les Anglais cherchaient une route commerciale vers la Chine par l'Iraouaddy ou le Salouen, les Français furent amenés à se demander si le Mékong, en raison même de l'importance de son cours, n'ouvrirait pas un chemin plus facile encore. La mission Doudart de Lagrée reconnut bientôt que ce grand fleuve ne pouvait servir de voie praticable pour pénétrer dans l'empire chinois. Il appartenait à un négociant français Jean Dupuis d'en indiquer une plus courte, le Fleuve Rouge qui menait directement dans la province du Yun-nan, l'une des plus riches et des plus peuplées de la Chine méridionale. Mais Jean Dupuis fut molesté par des mandarins tonkinois et le lieutenant Francis Garnier fut envoyé au Tonkin avec 80 hommes pour régler l'incident de concert avec un plénipotentiaire de la cour de Hué. Devant la mauvaise foi des mandarins, il se décida, avec ses faibles forces, à attaquer la citadelle de Hanoï qu'il prit le 20 novembre 1873 après un brillant combat. En vingt jours, il fut le maître de tout le delta du Fleuve Rouge.
Mais, les Annamites ne tardèrent pas à réagir avec d'autant plus de facilité qu'ils avaient la supériorité du nombre : Francis Garnier périt dans un guet-apens le 21 décembre 1873. Les hostilités furent arrêtées, au début de 1874, par l'arrivée un lieutenant de vaisseau Philastre qui signa avec la cour de Hué un traité désastreux par lequel la France perdit le Tonkin et ne conserva que quelques avantages commerciaux et diplomatiques en Annam. Ce traité amena pendant quelques années une tranquillité relative. Mais, peu à peu, les vexations des mandarins annamites à l'égard des Français reprirent et l'Empereur de Chine fit savoir qu'il ne reconnaissait pas le traité de 1874.
Le commandant Rivière chargé de mettre les révoltés à la raison renouvela l'héroïque folie de Francis Garnier et, comme lui, tomba un jour qu'il était sorti de Namdinh en refoulant l'innombrable multitude qui assiégeait cette place. Le prestige de la France était sérieusement atteint. La Chambre des députés, à l'unanimité, décida de " venger ses glorieux enfants " et vota des crédits. Mais, la guerre faite " par petits paquets " allait être longue et coûteuse. Aussi bien, la nation ne comprenait-elle pas l'importance des entreprises coloniales et fallut-il le courage civique de Jules Ferry et la brillante intrépidité des soldats et des marins français pour conserver à la France la plus belle de ses possessions ! Les événements se précipitent : le général Bouet s'installe à Haï Duong, l'amiral Courbet enlève la grande ville de Hué et le vieil ennemi de la France, Tu-Duc, reconnaît par la convention du 25 août 1883, le protectorat, français sur l'Annam et le Tonkin. Cependant, les pirates dits les pavillons noirs ne sont plus seuls à infester le Tonkin. A côté d'eux apparaissent les pavillons jaunes, c'est-à-dire les réguliers chinois. C'est contre la Chine même que la France va être appelée à combattre. Le général Millot, à la tête du corps expéditionnaire du Tonkin, prend Bac-ninh, Hung-hoa,Tuyen-Quang en 1884. Courbet s'engage dans les passes de la rivière Min. Bientôt, il s'installe à Formose et aux îles Pescadores, affame la Chine et la force à demander grâce en1885, au moment même où le général Brière de l'Isle délivre Tuyen-Quang et refoule les Chinois vers le Nord jusque dans le Kouang-Si, à la suite de deux mois de combats acharnés. Malheureusement, son lieutenant le général de Négrier tombe blessé devant Langson et le colonel Herbinger, chargé de le remplacer, ordonne un peu hâtivement une retraite qui se change en panique. Cet accident, le 30 mais 1885, donna aux adversaires de Jules Ferry l'occasion cherchée depuis longtemps de le renverser. Le chef du gouvernement eût pu, d'un mot, révéler les négociations qui allaient aboutir à la paix prochaine : il aima mieux renoncer au pouvoir que de manquer à la discrétion diplomatique. Les pourparlers déjà engagés par le commandant Fournier furent repris par le représentant de la France, M. Patenôtre et amenèrent le 9 juin 1885, la conclusion du traité définitif de Tien-tsin par lequel la Chine reconnaissait le protectorat français sur le Tonkin, ce qui consacrait en fait l'ouverture au commerce de notre pays des riches provinces chinoises du Sud, le Yunnan et le Kouang-Si.
Ce traité provoqua de graves incidents à Hué et nécessita l'intervention du général de Courcy en Annam : le jeune roi rebelle Ham-nghi ne fut réduit qu'après plusieurs expéditions et c'est seulement en 1888 que l'on put s'emparer de sa personne. La France a dû asseoir, depuis lors, sa domination par de nombreuses campagnes contre les pirates annamites et chinois, seuls bénéficiaires de l'état de guerre. Les opérations furent longues et pénibles et se terminèrent en 1889 par la soumission des principaux chefs rebelles.
En 1905, les succès des Japonais dans la guerre de Mandchourie eurent nécessairement une répercussion dans le monde asiatique, mais l'influence immédiate de ces événements sur l'Indochine ne fut pas très sensible. Jusqu'en 1913, la tranquillité ne fut guère troublée que par des actes peu graves et des incidents locaux.
A la fin de 1913, la mort du Dé-tham qui vivait caché dans les montagnes et les forêts de la haute région tonkinoise, exposé sans cesse à tomber entre les mains de nos miliciens, marqua l'épilogue de l'histoire de la grande piraterie contre laquelle la France avait eu à lutter depuis la conquête. Les adversaires de la domination française ont eu, depuis, recours aux armes plus scientifiques et plus violentes de la révolution moderne. La rapidité de la répression des quelques complots qui furent découverts, le souci de légalité et de justice dont fit preuve la " Commission criminelle ", le calme et la dignité, dont la population française ne s'est point départie, ont prouvé à la fois le loyalisme de nos sujets et la solidité de notre domination. […]
Pacifiquement, l'Indochine française s'est encore accrue de deux territoires importants qui ont augmenté sa population de près d'un million d'habitants : le territoire de Kouang-tchéou-wan cédé à bail à la France pour une durée de 99 ans par l'accord franco-chinois du 10 avril 1898 ; les provinces longtemps contestées de Battambang, de Siemréap et de Sisophon, restituées au Cambodge par l'accord franco-siamois du 23 mars 1907.
Documents servant l'histoire de l'Indochine:
Pouvoirs accordés à Mgr Pigneau de Behaine
Traité conclu entre l'Evéque d'Adran et Louis XVI
Déclaration d'annexion des provinces de Cochinchine 25 juin 1867
Convention Philastre - 5 janvier 1874
Traité signé à Saigon - 13 Mars 1874
Traité Fournier Amitie France Chine Mai 1884
Traité Patenotre Protectorat Annam Juin 1884