L'Amant

- Marguerite Duras, publié en 1984 - Les Éditions de Minuit -Prix Goncourt

 

Margerite Donnadieu - Duras est née en 1914 en Indochine et y a vécu jusqu'en 1932. L'Amant, publié en 1984, a obtenu le Prix Goncourt.

C'est un merveilleux petit ouvrage, écrit dans un style surprenant. 

Ou comment une histoire minable d'extorsion de fonds peut se traduire en un chef d'œuvre de la littérature française !  

bande annonce du film     lamantphotosite1.jpg (2456 octets)   

Sur les traces de Marguerite Duras en Indochine...

Hommage à M. Duras lors de son décés (site Ina.fr)

Extraits

"Que je vous dise encore, j’ai quinze ans et demi. C’est le passage d’un bac sur le Mékong."

"L’image dure pendant toute la traversée du fleuve."

"J’ai quinze ans et demi, il n’y a pas de saisons dans ce pays-là, nous sommes dans une saison unique, chaude, monotone, nous sommes dans la longue zone chaude de la terre, pas de printemps, pas de renouveau."

 [...]

"Quinze ans et demi. C’est la traversée du fleuve. Quand je rentre à Saigon, je suis en voyage, surtout quand je prends le car. Et ce matin là, j’ai pris le car à Sadec où ma mère dirige l’école des filles. C’est la fin des vacances scolaires, je ne sais plus lesquelles. Je suis allée les passer dans la petite maison de fonction de ma mère. Et ce jour là je reviens à Saigon au pensionnat. Le car pour indigènes est parti de la place du marché de Sadec. Comme d’habitude ma mère m’a accompagnée et elle m’a confiée au chauffeur, toujours elle me confie aux chauffeurs des cars de Saigon, pour le cas d’un accident, d’un incendie, d’un viol, d’une attaque de pirates, d’une panne mortelle du bac. Comme d’habitude, le chauffeur m’a mise près de lui à l’avant, à la place réservée aux voyageurs blancs."

[...]

"C’est donc pendant la traversée d’un bras du Mékong sur le bac qui est entre Vinh Long et Sadec dans la grande plaine de boue et de riz du sud de la Cochinchine, celle des oiseaux."

"Je descends du car. Je vais au bastingage. Je regarde le fleuve. Ma mère me dit quelquefois que jamais, de ma vie entière, je ne reverrai des fleuves aussi beaux que ceux là, aussi grands, aussi sauvages, le Mékong et ses bras qui descendent vers les océans, ces territoires d’eau qui vont aller disparaître dans les cavités des océans. Dans la platitude à perte de vue, ces fleuves, ils vont vite, ils versent comme si la terre penchait."

[...]

"Je porte une robe de soie naturelle, elle est usée, presque transparente. Avant, elle a été une robe de ma mère, un jour elle ne l’a plus mise parce quelle la trouvait trop claire, elle me l’a donnée. Cette robe est sans manches, très décolletée. Elle est de ce bistre que prend la soie naturelle à l’usage. C’est une robe d’on je me souviens. Je trouve qu’elle me va bien."

[...]

"Ce jour là je dois porter cette fameuse paire de talons hauts en lamé or. Je ne vois rien d’autres que je pourrais porter ce jour là, alors je les porte. Soldes soldées que ma mère m’a achetés. Je porte ces lamés or pour aller au lycée. Je vais au lycée en chaussures du soir ornés de petits motifs en strass. C’est ma volonté."

 [...]

"Ce ne sont pas les chaussures qui font ce qu’il y a d’insolite, d’inouï, ce jour là, dans la tenue de la petite. Ce qu’il y a c’est que la petite porte sur la tête un chapeau d’homme aux bords plats, un feutre souple couleur bois de rose au large ruban noir."

"L’ambiguité déterminante de l’image, elle est dans ce chapeau."

 [...]

"Sur le bac, à coté du car, il y a une grande limousine noire avec un chauffeur en livrée de coton blanc. Oui, c’est la grande auto funèbre de mes livres. C’est la Morris Lèon-Bollée."

"Dans la limousine, il y a un homme très élégant qui me regarde. Ce n’est pas un blanc. Il est vêtu à l’européenne, il porte le costume de tussor clair des banquiers de Saigon. Il me regarde. J’ai déjà l’habitude qu’on me regarde. On regarde les blanches aux colonies, et les petites filles blanches de douze ans aussi."

[...]

"L’homme élégant est descendu de la limousine, il fume une cigarette anglaise. Il regarde la jeune fille au feutre d’homme et aux chaussures d’or. Il vient vers elle lentement. C’est visible, il est intimidé. Il ne sourit pas tout d’abord. Tout d’abord, il lui offre une cigarette. Sa main tremble. Il y a cette différence de race, il n’est pas blanc, il doit la surmonter, c’est pourquoi il tremble. Elle lui dit qu’elle ne fume pas, non merci. Elle ne dit rien d’autre, elle ne lui dit pas laissez moi tranquille. Alors il a moins peur. Alors il lui dit qu’il croit rêver. Elle ne répond pas. Ce n’est pas la peine qu’elle réponde, que répondrait-elle ? Elle attend."

[...]

"Il répète que c’est tout a fait extraordinaire de la voir sur le bac. Si tôt le matin, une jeune fille belle comme elle l’est, vous ne vous rendez pas compte, c’est très inattendu, une jeune fille blanche dans un car indigène."

Retour à Sadec

La maison de l'amant, à Sadec. Accès libre quand le lieu est ouvert... Autrefois occupée par un service de police, cette demeure a été magnifiquement restaurée. La décoration et le mobilier valent le détour. Cette maison est située sur les quais, non loin du marché couvert. 

A gauche et au centre, la décoration intérieure, faite de panneaux de bois sculptés et dorés. A droite, l'une des maisons coloniales visibles à Sadec. 

A l'intérieur de la maison, des photos du film de JJ Annaud, ainsi que des photos de "l'amant".

Non loin du centre ville, des tombes de l'amant et des personnes de sa famille. Un membre de la famille veille en permanence sur ces tombes (ce qui m'empêche pas les inondations..)

   

 

Des Barrages contre le Pacifique.

Autre roman écrit par M. Duras., cette oeuvre se déroule au sud du cambodge. 

Voir ci joint l'article du journal Le Monde sur le devenir des terrains que la mère de M. Duras s'était épuisée à mettre en valeur, avec l'aide des paysans locaux.

Autre article du Phnom Penh Post

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