Parties de chasse en Annam 

avec Fernand Millet 

 

Fernand Millet est un chasseur professionnel, exerçant depuis plus de 28 ans lorsqu'il publia son livre intitulé " Les grands animaux sauvages de l'Annam, leurs mœurs, leur chasse et leur tir", paru en 1930 chez Plon. Inspecteur des Forêts, conseiller technique de la chasse en Indochine, sa passion pour la chasse l'entraîna à guider les gouverneurs, des écrivains comme Albert Londres, des touristes fortunés et d'autres personnages illustres comme l'aviateur Doisy...

Éléphant, gaurs, tigres, panthère et même rhinocéros n'ont plus de secret pour lui...

Les zones de chasse en Indochine 

Toutes les photos présentés ici sont extraites de l'ouvrage.

 

Le grand aviateur Pelletier-Doisy et ses trophées, au cours d'une chasse organisée par Millet

 

 

 

Campements sur les monts du Lang Bian

 

Campement

 

 

 


Un coin du "studio" de Fernand Millet

 

 

 


Peaux de tigres au séchage

  

 


 

 

 

   


Un gaur de 1,75 m

 

 

 


Tigre

 

 

 


Retour au village

 

 

 

 


Moï se rendant à la côte avec leurs produits d'échange (tribus des cohos)

 

 

 

 

Femmes Moïs (tribu des Lat)

 

 

 

 


Village Moï

 

 

 

 


Léopard et sambour

 

 

 


 

Un aspect du plateau du Langbian

 

 


A l'affût derrière l'écran

 

 

 

 


Vue d'un mirador construit sur écran

 

 

 

 

 


Ours malais

 

 

 


Tête de Gaur male de la variété dite "Lambour" (largeur du massacre = 90 cm)

 

 

 

Albert Londres  - extrait de l'ouvrage "Visions Orientales", texte de 1922

 

Albert Londres a rencontré F. Millet au cours d'un voyage en Indochine. Récit d'une chasse au tigre.

 

"Ce soir là, comme la nuit s'annonçait, un frisson me saisit. Le docteur de Dalat passait. Je lui tirait la langue.

- Vous êtes atteint de la fièvre du chasseur

C'est la maladie de Dalat. J'avais besoin de tuer un tigre. J'ai pris mon chapeau gris et ma canne noire. Je pris également la route du pont du Lac. Au tournant à gauche, un écriteau m'arrêta. J'y lus "forêts". Deux cents mètres encore, puis 12 arbres et une demeure en bois. C'était bien là.

Ici habite le plus illustre chasseur d'extrême orient, prince des jungles indochinoises et Roi des ravins du Lang Bian : 47 tigres à son tableau, gaurs, éléphants, panthères, sangliers, serpents boas et cobras. Laissons les cerfs, gibier de raccroc. Son nom : Fernand Millet. J'entrai."

 

"Le roi des ravins, mince, rasé, l'œil discret, était timidement assis sur une chaise basse.

- Je voudrais tuer un tigre !

- Quel jour? demanda-t-il d'une voix douce 

- Samedi

- A quelle heure ?

- Après la sieste, le thé, les petits gâteaux à cinq heures quarante. 

- Cinq heure quarante. Bien."

 

[...]

 

"Je jouai au jeu le plus pacifique du monde, au Mat-chang, domino chinois, et cela en compagnie d'un saint père missionnaire, quand un Moï m'apporta une lettre lilas : "le tigre a mangé cette nuit. Je vous prendrai dans une heure. Millet". C'était samedi, le Tigre était de parole.

- Avec M. Millet, dit le saint père, le tigre est mort."

 

[...]

 

"Fernand Millet se tourna vers moi, et d'un doigt impératif sur sa bouche, m'intima l'ordre de ne plus avancer, ni reculer, ni piper, ni respirer.

Millet et le traqueur se penchèrent sur la terre du sentier. L'empreinte du tigre, noire fleur à quatre pétales, trahissait le chemin qu'il avait pris (...).

- C'est un solitaire, fit très bas Fernand Millet au traqueur."

 

[...]

 

"Le ravin était hanté de vautours. Ils étaient sur le buffle. Nous les avions dérangés. Inquiets et ignobles, ils tournaient comme dans un manége au-dessous de nous, des lambeaux de chair putride encore au bec.

Nous descendîmes à pas de loup. Notre mirador, un écran de branches et feuilles, étaient là au sixième arbre, à trente mêtres de l'appât. Deux étroites fentes, préparées pour l'oeil et le fusil, le trouaient seulement."

 

[..]

 

"Nous attendîmes, cote à cote, une heure, sans un mot, sans un geste. Fernand Millet ne me regarda pas une seule fois dans cette heure. Les charognards étaient retournés au grand festin des entrailles. 

Soudain, je vis l'œil de F. Millet qui devenait parent de celui des vautours. Et sa volonté, visiblement, donnait un tour de vis à ses nerfs. Il me mis un doigt sur l'épaule. Il avait vu ! Je ne voyais pas. De ce même doigt, sans un mot, il me faisait signe : là ! Un souffle puissant venant d'en bas guida ma vue. Les onze charognards s'élevèrent en désordre dans un bruit de soie. La tête du tigre, rien que la tête, sortait du fourré. Ca me glaçait le cœur. Il regardait, il écoutait. Quatre minutes durant il sonda le ravin, et il sortit l'avant main. Deux tigres étaient devant moi. Millet et l'autre. Millet, immobile, tenait l'autre sous le regard de marbre. Le tigre, un grand mâle, maintenant, s'avançait d'un pas nonchalant. A 2 mètres de l'appât, il s'arrêta, sondant encore. L'arrêt dura plus d'une minute. Après, tranquille, il vint sur le buffle.

Il se retourna un peu et s'attaqua à l'arrière train. D'un grand effort facile, il arrachait les chairs. Les mouches à viande qu'il dérangeait lui venaient dessus. Alors il secouait la tête comme un gros chat pour s'en débarrasser. Sa formidable mâchoire ne faisait qu'un bruit mou. Puis il s'arrêta. Sa queue se mit à balayer les basses herbes. Il bailla.

Millet fit le signe.

- encore un peu, dis je, du bout des lèvres, c'est très joli, si on le tue, ce sera fini.

Le tigre, en un éclair, tourna les yeux vers l'écran. Il avait entendu. Dans le même éclair, Fernand Millet lâcha le coup.

- Pardon ! me dit il, mais un tigre, ça se contemple mort et non vivant.

Puis un sourire lui détendit les nerfs. Nous descendîmes, Millet, Browning au poing, et le traqueur le couteau prêt. Une vague de vie achevait de mourir aux flancs de la bête. Ses griffes, doucement, rentraient et sortaient. C'étaient les réflexes.

Le grand mâle avait eu la jugulaire tranchée. Il était pile sur le buffle."

 

 

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