La ville de Saigon, hier et maintenant

 

Il existe de nombreuses ressources documentaires sur l'histoire des rues de la ville de Saigon et notamment : Promenades dans Saigon, Hilda Arnold, 1949 ; A Baudrit, Guide historique de la ville de Saigon, 1943 ; Vietnam, à travers l'architecture coloniale, d'Arnaud le Brusq et Leonard de Selva, publié en 1999.

Les photos contemporaines ont été prises en 2007/2008.

Compte tenu de l'importance du sujet et des nombreuses photos accumulées sur le sujet, cette page se mettra à jour progressivement... 

Plan de la ville Guide Madrolle vers 1928 

Le marché central

L'ancien marché se trouvait le long du boulevard Charner, à l'emplacement du bâtiment du Trésor (qui lui, existe toujours). Depuis toujours, les "maraîchers" viennent de tout le delta, en bateau, alimenter la ville en fruits et légumes, en remontant le canal aujourd'hui comblé. L'incendie d'un bâtiment des halles fait prendre conscience aux autorités des dangers de garder, en centre ville, un marché constitué de "paillotes". Albert Mayer est donc chargé de reconstruire des bâtiments en "dur", vers 1870. Le comblement du canal permet d'envisager le déplacement du marché. Le nouvel emplacement est choisi, mais des discussions sans fin retardent le projet. Finalement, les expropriations sont faites en 1908, et l'entreprise Brossard et Mopin achèvera ce projet en 1914. Le bâtiment sera violemment bombardé en 1944. 

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L'ancien marché sur le boulevard Charner, en 1882

Non loin, dans le prolongement de la rue d'Espagne, se tient un marché aux puces. On le signale très actif à la fin des années 40. S'agit il d'objets en provenance de pillages de demeures d'européens ? Est ce des objets vendus rapidement avant un départ précipité de malheureux repartant en France ?  

Le marché Ben Thanh est aujourd'hui l'un des endroits favoris des touristes et le symbole le plus vivant de la ville. Des projets architecturaux sont en réflexion, et pourrait aboutir à la construction d'une tour au dessus du marché.

 

 

années 50

 Le marché, dans les années 30

 

Les décorations ultérieures, que l'on retrouve au dessus de chacune des portes. 

 

Le cercle sportif

Le cercle sportif a été édifié sur des terrains qui faisaient parti à l'origine du vaste domaine du Palais du Gouverneur. Le terrain a été offert à la ville en 1869, puis donné à diverses sociétés : cercle cycliste, cercle sportif, loge maçonnique, le philharmonique ... Le cercle sportif est très sélect tandis que la boule gauloise l'était beaucoup moins. Les coloniaux se retrouvent entre eux, à travers une multitudes de sociétés dont le niveau social conditionne l'entrée.

La piscine fut aussi une révélation pour les coloniaux : jusque là contraints par le port du casque en liège pour se protéger des rayons du soleil, l'accès à la piscine les fait découvrir les joies de la tête nue, finalement sans dommage. C'est une véritable révolution qui va ainsi s'opérer en quelques années dans la belle colonie : l'abandon généralisé du sacro saint casque. 

Aujourd'hui, la piscine est toujours aussi belle. Son emplacement est exceptionnel, mais les parties communes sont hélas des nids à microbes. 

L'Indochine, c'est aussi ça (1954), May Bodard : "La piscine de Saigon  est très belle. Toutes les belles filles de la ville s'y retrouvent à partir de 11 heures. Les hommes arrivent à partir de midi pour les regarder. Chacun regagne sont domicile à 1  heure avec sa maîtresse ou seul suivant les cas. Cette piscine appartient à un "cercle sportif" ou  il n'est pas chic de ne pas en faire partie". 

En 1925, François de Tessan écrivait (in "Dans l'Asie qui s'éveille") : "Un grand nombre d'automobiles se dirigeaient déjà de ce coté. Le Cercle est bâti sur  un terrain ombragé par les tamariniers. C'est un édifice tout blanc, à un étage, qui ressemble à un vaste cottage anglais, entouré de vérandas. Il est aménagé de manière aussi complète que pratique, avec un salon de lecture, un hall pour la danse, une salle d'escrime, des douches et des vestiaires. De nombreux courts de tennis sont à la disposition des émules de Mlle Lenglen." [...] Tout à coté des courts, il y a un terrain pour les joueurs de football. Les équipes de rugby rivalisent d'entrain. On suit avec passion leur entraînement et la partie décisive ou , chaque année, est disputée la coupe."

"Les Français ne sont pas les seuls à d'adonner à ce sport, voici que les indigènes les imitent. Eux aussi jouent au ballon. Leurs leaders préconisent l'athlétisme rationnel pour fortifier la race, et le lieutenant de vaisseau Hébert a fait des adeptes à Saigon. La culture physique sous toutes ses formes y est à la mode."

A droite, la piscine dans les années 50

"Derrière la piscine, se trouve un vieux tombeau envahi de mousse et dont les caractères s'effacent peu à peu. Des lézards hantent cet enclos solitaire. Qui dort ici, à l'ombre des vieux arbres? " (Hilda Arnold 1949) La proximité des anciennes fortifications de la citadelle peut expliquer la présence de ces tombeaux mandarinaux. 

L'hôtel Majestic, vers 1925

Le Majestic a pris la place de la "Taverne Alsacienne", célèbre boite de nuit tenue par une ancienne choriste de théâtre. A cette époque, l'établissement est aussi célèbre que la Rotonde, situé non loin, encadré par Denis Frères et les messageries fluviales. Les deux établissements ont vu défilé des générations de noctambules (cité par Hilda Arnold, 1949).

A l'origine, la façade est construite en style art nouveau. Au sommet des 4 étages, une pergola qui offre une vue panoramique sur la rivière de Saigon.

 

Vitrail aux armes de l'hôtel 

 

La Rotonde, vers 1920

Le Trésor

Le Trésor de Saigon est construit sur l'emplacement du 1er marché de Saigon, en bordure du canal Charner. Le style est "classiquement administratif". Il est construit vers 1925. 

Le bâtiment est aujourd'hui magnifiquement restaurée, réussite qu'il convient de souligner. La fonction du bâtiment n'a pas changé.

Le Palais de Justice

Le palais de justice a été construit entre 1881 et 1885 selon un plan classique par l'architecte Alfred Foulhoux. Quelques particularités tiennent compte malgré tout des éléments climatiques locaux : galerie continue sur toute les faces du bâtiment, dont les baies sont simplement fermées par des persiennes, ouverture de la salle des pas perdus sur 3 cotés.... D'un point de vue fonctionnelle, on remarquera l'existence au rez de chaussée de deux chambres, dont l'une est réservée aux européens et assimilés. Même si le droit français s'applique à tous, dans la pratique, les sujets cochinchinois ne se confondent pas avec les citoyens français (d'après "Vietnam à travers l'architecture coloniale"). 

Sur le fronton, on retrouve la justice acculturée à l'environnement local, avec deux indochinois en tenue traditionnelle. Les références sont antiques, les personnages contemporains. Ce fronton fut conservé après le départ du colonisateur, à la différence bien sur des référence "RF" des piliers du portail d'entrée.

Le palais de justice au début des années 50

 

Non loin du palais de justice, se trouvait la prison. Celle ci fut détruite à la fin des années 40 et remplacée par l'actuelle bibliothèque de la ville.

Le collège Franco Chinois à Cholon

La nombreuse population chinoise de Cholon au début du siécle entraîne la construction d'un collège franco chinois entre 1908 et 1910 dans le quartier de Choquan (actuellement entre les rues An Duong Vuong et Nguyen Trai)

On remarquera l'originalité des façades, qui mélangent des motifs asiatiques et occidentales. Les toitures débordantes sont une spécificité locale. Elles permettent de protéger les bâtiments contre la mousson et contre la chaleur en renvoyant des ombres. Quand il s'agit de "coiffer un lanterneau", l'exercice est plus difficile, et l'on notera les disproportions. 

Dans les années 40, les "congrégations" chinoises faisaient fonctionner plus d'une quarantaine d'écoles à Cholon. 

En 1925, François de Tessan écrivait (in "Dans l'Asie qui s'éveille") : "Pour favoriser notre propagande intellectuelle et morale, M Beau, alors Gouverneur Général, fonda en 1908 un lycée franco chinois, à l'aide de souscription françaises et chinoises. Cet établissement d'éducation, le seul du genre, peut admettre une trentaine d'élèves. Son but était de retenir en Cochinchine, auprès de nous, la jeunesse asiatique appelée à vivre sous notre tutelle qui, faute d'un enseignement approprié à ses besoins et à ses aspirations, se dirigeait vers d'autres foyers éducateurs tels que Hong Kong, Tien Tsin et le Japon et, ne connaissant ni notre langue ni nos idées, nous demeurait obstinément étrangère.

En vérité, les débuts du lycée franco chinois furent extrêmement laborieux. Voici 4 ans [en 1920], on fut obligé de remanier entièrement les programmes et de réorganiser la maison de fond en comble.

[..]Actuellement, des professeurs européens inculquent aux élèves [âgés de 14 à 18 ans] des leçons graduées de français, d'anglais, de sciences pratiques, de comptabilité.  [..] L'élite chinoise ne s'intéresse pas énormément à cette tentative de rapprochement. Elle garde une certaine défiance de l'occidentalisme." 

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