SAIGON EN 1882

 

Recueil de photographies de la ville de Saigon vers 1882

"Peu avant son départ pour France, Charles le Myre de Viliers, premier Gouverneur civil de la Cochinchine, entreprend de photographier les bâtiments et les infrastructures dont il avait ordonné la réalisations 3 années durant. Ces photos, qui sont restées pendant 120 ans dans les archives du Quai d'Orsay, constituent le plus ancien et le plus complet témoignage visuel de ce nouveau Saigon qui sort de terre en cette fin du 19eme siècle."

Il ne s'agit pas à proprement parler d'un reportage sur Saigon, mais d'un catalogue d'architecture et d'urbanisme. La population locale a été soigneusement écarté de tous les clichés. Ces clichés sont l'oeuvre d'un bâtisseur qui veut convaincre du bien fondé de son action. Contesté par le Conseil Colonial, il veut prouver qu'il n'a pas failli a la mission qu'on lui avait confier : faire de Saigon la plus belle ville d'Extrême-Orient.

Charles le Myre de Viliers

"Il eut une influence majeure sur le développement de Saigon. Il débarque en 1879 avec des instructions claires : multiplier les édifices publics, viabiliser l'espace, développer l'activité économique. Durant les quatre années de son mandat, le rythme des constructions nouvelles va fortement s'accélérer. La spéculation immobilière et  l'affairisme des négociants qui misaient sur le développement de la ville font flamber le prix des terrains vendus aux enchères.  Le schéma urbain du centre ville prend forme. Mais cette politique volontariste suscite des oppositions. Le Conseil Colonial devient hostile. Charles le Myre de Viliers est muté. Il quitte Saigon en 1883, en emportant avec lui ce précieux recueil de photographies qui témoignent de son action."

Extrait du recueil de photographie édite par le Consulat général de Saigon en 2002.

Merci a François Xavier L. de m'avoir prêté ce document exceptionnel.

Les commentaires qui suivent son rédigés d'après ceux du catalogue.


Le grand canal et la rue Charner.  En 1860, l'opportunité de combler ce canal donna lieu a un vif débat au sein du conseil colonial, entre les tenants de l'hygiène et les commerçants qui vantaient l'utilité pratique. Le projet fut ajourné pendant 25 ans ! C'est a l'image du développement de cette ville, figée pour ce qui concerne les infrastructures.

Ce canal finit par être comblé en 1887. C'est actuellement le boulevard Nguyen Hue.

 

 


En 1862, l'Amiral Bonnard procède à la 1er vente aux enchères de terrains. Cette initiative, motivée par la nécessite d'alimenter les caisses de la ville, eut pour conséquence une spéculation immobilière effrénée. A partir de 1890 et contrairement à Hanoi, le développement de la ville échappe peu à peu au pouvoir politique.

 

 


Les maisons à compartiments de la rue Charner (bd Nguyen Hue). Le rez de chaussée est réservé pour les activités commerciales et les étages servaient d'habitation. A la fin du 19 eme siècle, grâce a l'essor économique de Saigon, ces compartiments se multiplièrent. Ils firent la fortune des promoteurs chinois et des bâtisseurs indiens de la Cte Chettys qui détenaient le monopole de leur construction.

 

 

 


La caserne des troupes de l'Infanterie de la marine.  Construite en 1873 sur l'emplacement de l'ancienne citadelle (construite en 1790), la caserne Martin des Pallieres est l'exemple type du génie militaire en Indochine. La caserne répondait
à deux préoccupations : cantonner les troupes le long d'un axe stratégique et assurer aux troupes des logements salubres.

Aujourd'hui, les bâtiments du 1er plan sont occupés par l'universite des sciences sociales et humaines, rue Dinh Tien Hoang

 


Le Cercle des officiers (47 bd Le Duan). L'administration coloniale décida de s'installer très tôt sur le plateau, point culminant de la ville. Le plateau surplombait les parties marécageuses de la ville basse et offrait ainsi une plus grande salubrité en même temps qu'une situation stratégique apprécie par les militaires. Le Cercle des officiers de la marine fut construit en 1876. C'est l'une des premières constructions en dur après le Palais du Gouverneur. Les murs étaient constitués de briques locales enduites de chaux, légèrement surélevés par un appareillage de pierres destinés a lutter contre l'humidité. La fraîcheur est garantie par la hauteur des plafonds, l'étroitesse des fenêtres et le système de toiture débordante, emprunte au bâti traditionnel vietnamien.

On remarquera aussi en arrière plan de la photo le chantier de construction de la cathédrale Notre Dame

Aujourdhui, le bâtiment est occupé par le Conseil Populaire du 1er arrondissement de la ville.

 


Les Halles du marché Charner. Elles furent construites en 1860 et constituèrent le 1er marché de la ville, alimenté par le grand canal.  Suite au comblement en 1887, les halles s'éteignirent progressivement. En 1910, elles furent détruites, au grand bonheur des promoteurs qui récupèrent le terrain. Les halles furent remplacées par le marche Ben Thanh construit en 1912 sur les bords de l'ancien marais Boresse.

 

 


La maison d'un négociant chinois. La declaration en port franc le 22 février 1860 du port de Saigon a permis son essor rapide. L'administration française a du rapidement apprendre avec les négociants chinois, puissant contre pouvoir. Présente depuis le XVIIeme siecle, tres organisée, soudée par des intérêts communs, la communauté chinoise constituait un intermédiaire incontournable dans le grand négoce et les activités commerciales.

Les riches négociants aimaient investir dans de vastes maisons à étages qui mariaient architecture coloniale et décoration chinoise.

 

 


Le Port de Saigon et l'appontement des messageries maritimes. Celles ci, d'abord appelées Messagerie Imperiales, furent construites en 1862. C'est le premier bâtiment en dur construit dans la ville basse par l'administration des amiraux-gouverneurs.

 

 

 


La basilique Notre Dame, place Pigneau de Behaine (aujourd'hui place de la Commune de Paris). Construite de 1877 a 1880,  sur les plans de l'architecte Bourard, l'emplacement de la cathédrale fut decidé par tirage au sort, opposant  3 candidats : la municipalité, les protestants et les catholiques. La lutte fut acharnée entre ces trois partis, car chacun voulait prendre position au coeur la zone qui concentrait, a cette époque, les grands centres décisionnels de la colonie. La construction de la cathédrale fut très critiquée, car son coût était qualifie de "folie dispendieuse". Il a représenté en effet un dizaine du budget de la colonie... Toutes les pierres étaient notamment importées de la métropole. Sa facture classique n'a pourtant rien d'exceptionnelle. Seules quelques inscriptions en chinois sur les tympans des portails et les représentations locales des vitraux la distinguent des églises de métropoles. On remarque l'absence de flèches sur les clochers. Elles furent rajoutes en 1897 par l'architecte Gardes.

 


Le palais du gouverneur (actuel palais de la réunification). Le palais Norodom était en 1882 la résidence du gouverneur de la Cochinchine. Construit entre 1868 et 1875 sur les plans de l'architecte Hermitte et dans un style néo baroque très Napoléon III. L'édifice était somptueux et pour cause : il avait englouti a lui seul 1/4 du budget des services des travaux publics de la colonie. Faute d'étude préalable du terrain, le bâtiment fut l'objet d'incessants et de coûteux travaux. La coupole fut entièrement refaite en 1893. Ce fut néanmoins un édifice apprécié par les Saïgonnais et une pièce maîtresse de la politique d'urbanisation. Le palais fut gravement endommage en 1962 puis démoli.

 

 


Vue de la rade de Saigon ; un plan de lotissement fut mis en oeuvre en 1862 par l'amiral Bonnard. La zone fut divisée en parcelles et mis en vente à bas prix. Ce fut un succès. Une foule de petites gens repeupla les berges de la riviere. Cependant, l'administration considera que l'amenagement du quartier n'etait pas de son ressort mais relevait de l'initiative individuelle.

 

 

La Régie de l'Opium. Cette régie percevait, au nom de l'administration française, les bénéfices du commerce de l'opium, affermé aux négociants chinois depuis 1861.

L'emplacement était sur le bd charner, aujourd'hui au 2 rue Ham Nghi.

 

 

 


A la terrasse d'un café sur les quais. Saigon en comptait plusieurs dizaines, contribuant au charme de la vie Saïgonnaise. Un seul objectif de ces cafés : combler cet "ennui colonial" ressenti unanimement par une communauté qui ne comptait que 1800 civils en 1883.

 

 

 

L'inauguration de la ligne de Tramway Saigon Cholon en 1881. Elle concrétise la forte volonté du conseil colonial de réunir les deux villes. Le développement rapide de Cholon et l'indépendance de la communauté chinoise inquiétait le pouvoir colonial. La mise en place de ce tramway contribua a lie le développement des deux villes. Il fallut néanmoins attendre les années 20 et le comblement du marais Boresse pour que ces deux axes soient définitivement connectés via le bd Gallieni (rue Tran Hung Dao). Charles Le Myre de Viliers est présent sur la photo, a l'avant de la locomotive qui porte son nom.

 


Il est probable que ces photos aient été tirées avec ce type d'appareil photo !

 

 

 

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