Édits de persécution au XIXéme siècle    

On pourrait facilement écrire un livre sur les persécutions en terre d'Annam. En parallèle de celles menées en Chine, les persécutions commencèrent sérieusement en 1825 et se terminèrent lors de la pacification du Tonkin par les français à la fin des années 1880. Entre ces deux dates, ce sont des centaines de milliers de catholiques qui furent la proie de la haine des mandarins et du pouvoir royal. Dans un pays qui comptait à peine 10 millions d'habitants, ce sont des chiffres non négligeables..  

Deux raisons principales ont déclenché la persécution: la crainte de voir se développer un contre pouvoir bien organisé face à un état légitime de plus en plus faible et corrompu, et la peur de voir ces catholiques se mettent au service de la France, avec les risques d'une perte d'indépendance...   L'obsession du Roi Tu Duc sur ce sujet a occulté les vrais problèmes... et n'a pas protégé pour autant le royaume d'Annam. Le sang coulé a au contraire donné une légitimité à l'action des puissances européennes, d'abord des bombardements puis la colonisation. 

Voici ci dessous les textes des édits de persécutions. D'autres informations suivront à l'avenir...

Défense d'introduire les Missionnaires dans Ie royaume, Février 1825 

"La religion perverse des Européens corrompt le cœur des hommes. Depuis longtemps plusieurs navires européens sont venus ici pour faire le commerce et ont laissé des maîtres de la religion européenne dans ce royaume. Les maîtres ont séduit et perverti le cœur des peuples et ont altéré et corrompu les bonnes coutumes. N'est-ce pas là véritablement une grande calamité pour notre royaume ? C'est pourquoi, il convient que nous nous opposions à ces abus, afin de ramener notre peuple dans le droit chemin.

Ceci est l'Édit du roi : respectez-le !

A ces causes, nous, mandarin des lettres, plein de respect et d'obéissance pour l'ordre du roi, nous envoyons au gouverneur de la province de Quang-nam l'ordonnance royale, afin que, lorsque les navires français viennent dans le royaume, il ait soin de les faire surveiller et d'examiner avec la plus scrupuleuse attention. De plus, il faut veiller avec le même soin et la même exactitude dans les ports, sur les montagnes, à toutes les issues de terre et de mer, pour empêcher que quelque maître de la religion européenne ne s'introduise furtivement, ne se mêle avec le peuple et ne répande ainsi les ténèbres dans le royaume. Tous ces maîtres se succèdent les uns aux autres, sans interruption, et regardent cela comme une chose ordinaire.

Du règne de Minh-Mang, la sixième année et le premier jour de la première lune."

En 1831 s'ouvre le procès du missionnaire Jaccard. On notera une relative clémence du roi. On n'est encore qu'au début de la persécution. 

Procession religieuse pour le mois de Marie

Édit de persécution générale 6 Janvier 1833

"Moi, Minh Mang, roi, je parle ainsi. Depuis de longues années, des hommes venus de l'occident prêchent la religion de Dalo, et trompent le bas peuple, auquel ils enseignent qu'il existe un séjour de félicité suprême et un cachot d'affreuses misères. Ils ont aucun respect pour le Dieu Phat [ndlr: le bouddhisme] et n'honorent pas les ancêtres. Voila certainement une grande impiété. De plus ils battissent des maisons de cultes où ils reçoivent un grand nombre de personnes sans distinction de sexe afin de séduire les femmes et les jeunes filles ; Ils arrachent aussi la prunelle de l'œil aux malades. Peut on rien imaginer de plus contraire à la raison et aux bonnes coutumes?

L'an dernier nous avons châtié deux villages imbus de cette doctrine perverse : Mong Phu, et Duong Son. Notre intention en cela était de faire connaître notre volonté afin qu'on évite ce crime et qu'on revienne à de bons sentiments.

Maintenant donc, voici ce que nous avons décidé : quoique le peuple qui, par ignorance, suit cette voie gauche soit déjà nombreux, il ne manque pas de bon sens pour connaître ce qui convient et ce qui ne convient pas. Il est encore facile de l'instruire et le rendre bon. Il faut d'abord employer à son égard l'instruction et les avis, et s'il est indocile, les supplices et les peines. . En conséquence, nous ordonnons à tous ceux qui suivent cette religion, depuis le mandarin jusqu'au dernier du peuple, de l'abandonner sincèrement, s'ils reconnaissent et redoutent notre puissance, Nous voulons que les mandarins examinent avec soin si les chrétiens qui se trouvent sur Ieur territoire se préparent à obéir à nos ordres, et qu'ils les contraignent de fouler, en leur présence, la croix aux pieds. Après quoi, ils Ieur feront grâce pour cette fois.

Pour les maisons de cultes et les habitations de prêtes, ils devront veiller à ce qu'elles soient entièrement rasées et dorénavant, si quelqu'un de nos sujets est reconnu coupable de professer ces coutumes abominables, il sera puni avec la dernière rigueur afin de détruire dans sa racine la religion perverse.

Ceci est notre volonté. Exécutez-la

Le douzième jour de la onzième lune, la treizième année de notre règne"

Paysages catholiques

Article secret accompagnant cet édit et prescrivant la destruction des édifices religieux et l'arrestation des missionnaires

"La religion de Jésus est digne de toute notre haine, mais notre peuple imbécile et idiot l'embrasse en grand nombre et sans examen, dans tous les endroits du royaume. Il ne convient pas de laisser s'affermir et s'accroître cet abus. C'est pourquoi nous avons daigné porter un édit paternel, afin d'apprendre à notre peuple ce qu'il doit faire pour se corriger.

Nous considérons que cette multitude insensé est pourtant notre peuple. Le nombre en est très grand et ils sont obstinés dans l'erreur ; en sorte que corriger ce peuple de son aveuglement n'est pas une chose qui puisse s'exécuter eu un instant. Si l'on voulait strictement se conformer aux lois, il faudrait en faire mourir des mille et des mille, mais cela coûterait trop à notre amour paternel pour ce peuple. Il pourrait arriver aussi que plusieurs, qui sont. disposés à se corriger, périssent avec les coupables.

Il est bon d'ailleurs, d'agir en cette affaire avec prudence selon la maxime qui dit : " Si tu veux détruire une mauvaise coutume, détruis la avec ordre et patience " et cette autre qui dit: " Si tu veux extirper la race des méchants, prends la cognée et frappe à la racine " Suivons donc le conseil des sages, pour réussir certainement dans une affaire si importante.

Nous ordonnons à tous les gouverneurs de province et à tous nos mandarins supérieurs : 1" De s'occuper à instruire sérieusement leurs inférieurs, qu'ils soient mandarins, soldats ou peuple, de manière qu'ils se corrigent et abandonnent la religion perverse. 2" De s'informer exactement de l'emplacement des églises et des maisons de religion dans lesquelles les maîtres réunissent le peuple, et de détruire tous édifices sans délai. 3" D'arrêter les maîtres de religion, mais en ayant soin d'user plutôt de ruse que de violence ; les maîtres européens, il faut les envoyer promptement à la capitale, sous prétexte d'être employés par nous à traduire des lettres ; Les maîtres du pays, vous les retiendrez au chef-lieu de vos provinces, et vous les garderez strictement, de peur qu'ils ne s'échappent ou n'aient des communications secrètes avec le peuple, ce qui maintiendrait celui-ci dans son erreur. Vous, préfets et gouverneurs de province, conformez-vous à notre Volonté ; surtout agissez avec précaution et prudence et veillez à n'exciter aucun trouble. C'est ainsi que vous vous rendrez digne de notre confiance. Nous défendons de publier cet édit, de peur la publication amene des troubles. Dès qu'il vous sera parvenu, vous seul devez en prendre connaissance. Obéissez "

Missionnaires et cathéchistes

Requête demandant la mort des missionnaires, de ceux qui leur donnent asile et des mandarins qui ne les ont pas arrêtés. - Approuvée et signée par le roi. 23 janvier 1836

"Les missionnaires se servent d'un pain enchanté, pour ensorceler les gens et les forcer à rester chrétiens. Ils emploient les yeux des morts avec de l'encens, pour faire des médecines. Dans la célébration du mariage, il se passe des choses abominables. En conséquence Sa Majesté est humblement suppliée de sanctionner les mesures suivantes : Tous les ports du royaume seront interdits aux navires barbares, à l'exception du seul port de Tourane. Une surveillance rigoureuse sera exercée par le mandarin de ce port, sur tous les étrangers qui y viennent trafiquer. Le nombre de ces étrangers qui auront permission de descendre à terre pour leur commerce sera limité par le mandarin ; on ne les perdra pas de vue. Tout le temps qu'ils seront à terre il ne leur sera pas permis de se séparer, ni d'entrer dans aucune maison particulière. Quand ils auront fini leurs affaires, ils seront comptés de nouveau et reconduits à leur navire. Si quelque barbare cherche à se cacher dans le pays, il sera saisi et puni de la peine capitale. Les navires chinois peuvent aborder partout ; néanmoins, à leur entrée dans un port annamite, ils seront visités avec soin. S'il s'y trouve un Européen soupçonné d'être prêtre, il sera saisi aussitôt et mis à mort. Tout prêtre européen saisi dans l'intérieur du pays sera puni de mort. Seront punis de la même peine ceux qui les cacheraient chez eux. Tous les officiers publics dans le territoire desquels un de ces prêtres sera découvert seront punis de mort, parce qu'ils n'ont pas fait les recherches nécessaires pour le saisir."

Village de Phat Diem

25 janvier 1836 Édit de persécution

Minh Mang publia, le 25 janvier 1836, un nouvel édit contenant, contre les missionnaires européens, les plus rigoureuses mesures. Après avoir rapporté toutes les calomnies imputées aux chrétiens, le décret portait en substance : - 1° Que tous les ports seraient interdits aux Européens, à l'exception d'un seul ; 2° Que dans ce port unique une surveillance rigoureuse devrait être exercée sur les étrangers qui viendraient trafiquer avec les Annamites; 3° Que le nombre de ces étrangers qui descendraient à terre devrait être limité par les mandarins; 4° Qu'ils ne seraient point perdus de vue dans leurs transactions commerciales, et qu'il ne leur serait pas permis de se séparer ni d'entrer dans aucune maison; 5° Que leur trafic une fois fini, et leur nombre constaté le même que lors de leur descente à terre, ils seraient reconduits à leurs navires ; 6° Que celui qui s'aviserait de se cacher serait traité comme un malfaiteur, et puni de la peine capitale ; 7° Quant aux navires chinois, qui pourraient aborder partout, ils seraient néanmoins visités à leur entrée dans un port annamite ; que s'il s'y trouvait un Européen soupçonné d'être prêtre, il serait mis à mort; que si l'Européen était évidemment un marchand, comme cela se rencontrait quelquefois, il serait contraint de rester sur le vaisseau jusqu'à ce qu'il reprît la mer; 8° Les prêtres européens saisis dans l'intérieur des terres seraient punis de mort; la même peine serait appliquée à ceux qui les cacheraient chez eux, et à ceux des officiers publics sur le territoire desquels un de ces prêtres serait découvert, parce qu'ils seraient censés n'avoir pas fait toutes les recherches nécessaires pour le saisir.

Commentaires de l'évêque Retord: "Le roi veut nous exterminer tous, parce qu'il liait une religion qui condamne ses désordres, parce qu'aussi il s'imagine que nous en voulons à sa couronne. Il est vrai que nous cherchons un royaume, mais c'est celui du ciel. Priez Dieu, chère sœur, d'éclairer ce pauvre aveugle et d'amollir son cœur de pierre. " 

Ordre d'instruire les chrétiens et de les faire apostasier, 1838

"Tous les gouverneurs de province enjoindront aux mandarins subalternes d'envoyer les chefs de canton et les maires de villages dans toutes les parties de leurs territoires où il y a des chrétiens afin les instruire et de les désabuser. Voici en abrégé ce qu'ils doivent leur dire : Ce Jésus, auteur de votre religion, est un homme d'un pays éloigné et d'une race différente de la votre. S'il était vrai que sa doctrine eut pour objet la fidélité au roi, la piété envers les parents et la concorde entre les frères, vous ferait-on un crime de l'étudier ? Quant à ce que les missionnaires enseignent au sujet de la croix à laquelle est attaché un petit enfant, c'est en grande partie incompréhensible. Le mieux est de rien n'en croire. Direz vous que vous observez la religion de Jésus pour aller au ciel après votre mort ? mais voyez ce qui est arrivé au Prête Marchand et Cornay, au trum Hien et au trum Hai. N'ont'ils pas péri misérablement ? Leur supplice n'a-t-il pas été pour tous un sujet de compassion et d'effroi ? Cependant, ces 4 missionnaires observaient leur religion plus parfaitement que le peuple, ce qui n'a pas empêché leur mort d'être malheureuse, puisque après l'exécution, leur tête leur a été séparée de leur corps. Voilà ceux qui racontaient de si belles choses sur la vie future. Comment leur mort à bien mis à nu la fourberie de leur parole. De bonne foi comment monter au ciel quand on ne vit plus ?. Voyez au contraire les prêtres annamites, Duyet et Kien. Maintenant qu'ils ont foulé la croix au pied, ils sont en liberté et attendent en paix la fin des jours que le ciel leur réserve. Dites maintenant de quel coté sont les joies du paradis ? de quel coté les suppliques de l'enfer ? Si vous êtes insensibles à de telles considérations, si vous continuez à vous rassembler pour prier en secret, vous faites preuve de la plus aveugle stupidité et la plus criminelle obstination."

"Quelles sont les grandes pensées qu'ils faut développer aux chrétiens pour les éclairer et les convertir ? Dans notre clémence, nous accordons le délais d'une année à ceux qui sont chargés de répandre ces instructions, afin que, peu à peu, et avec adresse, ils fassent pénétrer la lumière dans l'esprit des chrétiens, qu'ils leur inspirent le repentir du péché et leur fassent prendre de bonnes résolutions pour l'avenir. Il faudra aussi les contraindre à ériger des temples dans chaque commune, à sacrifier aux époques déterminées en honneur des ancêtres et des génies. C'est en remplissant ces devoirs qu'ils acquerront des droits à l'estime de leurs voisins et se montreront dignes de l'ère de paix de notre règne. Si après la publication de cet édit, les mandarins n'usent pas de toute leur influence sur les chefs de canton et les maires de villages, pour le faire exécuter, si ces derniers ne mettent pas tout leur zèle à instruire le peuple, et si, à l'expiration du délai fixé, il se trouve encore dans notre royaume des chrétiens rebelles ou dont la soumission ne soit qu'extérieure, des chrétiens qui, païens avec nous pendant le jour, pratiquent et propagent leur doctrine pendant la nuit, alors on châtiera sans pitié et le chrétien incorrigible et le fonctionnaire négligent."

Suite politique de cet édit de persécution...

L'Empereur Napoléon III fit un appel pressant au Gouvernement de Madrid, après les massacres de Hué et le martyre de 500 chrétiens décapités avec leurs missionnaires. La catholique Espagne leva une petite armée de tagals dans ses possessions de Manille et permit à un certain nombre d'officiers volontaires, d'aller chercher un peu de gloire sur les rives ensanglantées de l'Annam.

En 1847, sous le règne de Thieû-Tri, les commandants Lapierre et Rigault de Genouilly durent détruire cinq bâtiments annamites dans la baie de Tourane. L'avertissement ne suffit pas puisqu'en 1851,Tu-Duc laissa massacrer les deux missionnaires Shaeffer et Bernard. En 1852, la corvette Calinat détruisit l'un des forts de Tourane et, en 1858, la France et l'Espagne, victimes d'exactions continuelles, organisèrent une expédition commandée par l'amiral Rigault de Genouilly et le colonel espagnol Langerote. On reprit d'abord notre ancienne position à Tourane, puis, le 17 février 1859, l'amiral Rigault de Genouilly à la tête d'un corps franco-espagnol, s'empara de Saigon.

Édit de persécution générale de Tu Duc Août 1848

"La religion de Dato, déjà prescrite par les rois Minh Mang et Thieu Tri, est évidemment une religion perverse, car dans cette religion, on n'honore pas ses parents morts, on arrache les yeux des mourants, pour en composer une eaux magiques dont on se sert pour fasciner les gens ; de plus, on y pratique beaucoup d'autres choses superstitieuses et abominables."

" En conséquence : 1° les maîtres européens de cette religion, qui sont les plus coupables, doivent être jetés à la mer avec une pierre attachée au cou. Une récompense (évaluée à trois mille francs) sera donnée pour chacun de ceux qu'on pourra prendre. " 2° Les maîtres annamites de la religion seront, s'ils refusent d'apostasier, marqués à la figure et exilés sur les montagnes, dans les endroits les plus malsains. " 3° Les gens du peuple, après une sévère correction, seront renvoyés à leurs familles. Le même édit prohibe aussi tout commerce avec les Européens. Tel est le code qui régit encore l'empire annamite en ce qui concerne les missionnaires et les Européens;"

Édit de persécution générale 30 mars 1851

"La doctrine de Jésus vient des Européens ; elle défend |au sens " interdire "] le culte des ancêtres et l'adoration des esprits. Pour tromper le cœur des hommes et fasciner ses adeptes, elle leurs parle du ciel et d'une eau sainte. Ceux qui prêchent cette mauvaise doctrine, sachant bien que la loi du royaume ne peut tolérer de pareilles erreurs, représentent aux yeux du peuple l'image du supplice de Jésus, pour séduire les ignorants et leur faire affronter la mort sans se repentir. Quelle funeste illusion ! quelle fascination incompréhensible !

Sous le règne de Minh Mang, ce culte insensé a été sévèrement prohibé par plusieurs décrets ; toutes les fois qu'un chrétien refusa d abjurer, il a été sans rémission très rigoureusement puni. Du temps de Thieu Tri, plusieurs instructions ont été données aussi, pour proscrire cette doctrine perverse ; à l'exception des vieillards et des infirmes, aucun chrétien réfractaire n'a jamais obtenu sa grâce, sous nos prédécesseurs. C'est ainsi que pour détruire le mal dans son principe, ils ont toujours agi avec une sollicitude, une sévérité, une prudence consommées. Par la fidèle observation des rites, par l'étude de la musique et la bonne forme des vêtements, ils sont arrivés à un haut degré de civilisation. La base de notre religion à nous, c'est la droiture : elle serait bientôt viciée, si la doctrine de ces hommes au cœur de sauvages, aux mœurs d'animaux, était mise en pratique. Lorsque le cœur est corrompu ,si on ne le corrige au plus tôt, la droite raison est faussée. Nous, Tu Duc, roi, fidèle au système que nous avons adopté dès le commencement, qui consiste à voir et à écouter, à examiner attentivement dans tous nos actes, nos jugements, nos ordres, ce qui convient et ce qui est à propos, nous avons chargé nos ministres de nous faire un rapport au sujet d'une pétition que nous a adressé notre Conseil Privé, sur la nécessité de prohiber la mauvaise religion de Jésus. Voici quel a été l'avis de notre ministère " Les prêtres européens doivent être jetés dans les abîmes de la mer ou des fleuves, pour la gloire de la vraie religion. Les prêtres annamites, qu'ils foulent ou non la croix aux pieds, seront coupés par le milieu du corps, afin que tout le monde connaisse quelle est la sévérité de la loi. " Après avoir examiné ces dispositions, nous les avons trouvé très conformes à la raison

En conséquence, nous ordonnons à tous nos mandarins de mettre ces instructions en pratique, mais secrètement, sans les publier. Ainsi donc, si des prêtes européens viennent furtivement dans notre royaume pour en parcourir les provinces, tromper et séduire le cœur des peuples, quiconque les dénoncera, ou les livrera aux mandarins recevra 8 taels d'argent et, de plus, la moitié de la fortune des receleurs du prête ; l'autre sera dévolu au fisc. Quant aux receleurs, petits ou grands, peu importe qu'ils aient gardé l'européen chez eux longtemps ou peu de jours, ils seront tous coupés par le milieu des reins, et jetés au fleuve, excepté les enfants qui n'ont pas encore atteint l'age de raison ; ceux-ci seront transportés au loin en exil ; Telle est notre volonté, respectez là."

Persécution du Missionnaire Béchet et de plusieurs catholiques en 1883

Édit de persécution générale 18 Septembre 1855

"En conséquences, les mandarins chrétiens qui habitent la capitale ont un mois pour abjurer ; ceux qui sont dans les provinces, trois mois seulement. S'ils confessent humblement leur crime, et se soumettent aux lois du royaume, on leur pardonnera ; sinon, ils perdront leur grade, seront remis au rang du peuple et punis sans miséricorde. Six mois sont accordés aux soldats et au peuple pour faire leur abjuration. S'ils obéissent, on les laissera en paix ; mais si plus tard, on s'aperçoit qu'ils ne se conforment pas aux usages sublimes du pays, s'ils s'abstiennent des sacrifices et autres œuvres nationales, ce sera preuve qu'ils n'ont pas abandonner de cœur la mauvaise doctrine, et ils seront châtiés comme de grands coupables. Les chrétiens, quelque lettrés qu'ils soient, ne pourront pas concurrir pour les degrés littéraires ; ceux qui sont entendus aux affaires ne pourront exercer aucune charge dans leur village afin que leur vie reste vouer à l'ignominie. Si nos ordres sont éludés, et qu'on nous dénonce les prévaricateurs, alors il y aura des châtiments terribles. C'est ainsi que nous savons allier la sévérité et la douceur. Parmi ceux qui exercent la profession de pécheurs, ou qui demeurent près de la mer et le long des fleuves, il y a des scélérats qui feignent d'aller prendre du poisson et qui introduisent chez eux des maîtres de religion. Ces Européens ont aussi à la leurs services des barques marchandes avec lesquelles ils descendent secrètement à terre. Ils battissent des maisons de prières dans des lieux cachés, ils se creusent des retraites souterraines ou bien se barricadent dans leurs refuges, plaçant des sentinelles aux avenues des villages et lorsqu'on signale l'approche de quelqu'un, la nouvelle en est aussitôt transmise et le maître de la religion s'enfuit.

Plusieurs de ces scélérats ont déjà été pris sur le fait et ont reçu le juste châtiment de leur crime, mais les autres continuent de jouer ce jeu infâme. Désormais, quand on pourra saisir un de ces donneurs d'avis, il faut lui faire son procès et le mettre à mort sans rémission. Quiconque arrêtera un prêtre européen, recevra comme récompense 300 clous d'argent, quiconque prendra un disciple des européens ou un prête indigène, recevra 100 clous d'argent. Par-là, nous montrons clairement, et personne ne pourra en douter maintenant, que nous savons mettre de l'ordre et de la mesure en toute chose. Les maîtres européens qui seront pris, auront la tête tranchée : leur tete sera exposée pendant 3 jours puis jetée à la mer avec le cadavre. Tout élève d'un maître européen et tout prêtre du pays aura également la tête tranchée. Les disciples des prêtes du pays seront marqués au visage et envoyés en exil. Si quelque navire barbare vient dans nos ports, les mandarins maritimes doivent se tenir sur leur garde et observer les édits du très illustre et très vertueux Minh Mang. Les gouverneurs de province, les préfets, les sous préfets sont l'œil du peuple. Les chefs de canton et les maires du village en sont comme la tête. Tous savent quelles sont les canailles qui suivent la religion perverse de Dato ; mais ils s'endorment dans l'insouciance et laisse ainsi le bon peuple s'égarer dans une voie gauche. Il en est de même parmi nos officiers qui cachent et excusent ces scélérats. Nous ordonnons à tous nos mandarins, grands et petits, de parcourir leur district de temps en temps, d'arriver quand on ne les attend pas, pour voir ce qui se passe chez eux, de prêcher, d'instruire, d'exhorter ces imbéciles afin que tous se convertissent et suivent dorénavant la sublime religion du très illustre et très vertueux roi. Partout où il y a des maisons de prières, de retraites pour abriter les maîtres de religion, il faut les brûler, combler les souterrain, raser les haies, défendre les assemblées chrétiennes ; en un mot, prenez tous les moyens d'en finir. Voila ce que nous ordonnons de nouveau ; mais si on continue encore de cacher un maître de religion, un envoyé des sauvages de l'occident et s'il est découvert par d'autres que des mandarins, alors tous les fonctionnaires de la province seront châtiés avec une rigueur exemplaire ; les subaltenres seront punis encore plus sérevement que les grands mandarins ; les receleurs paieront de leurs têtes. C'est ainsi que nous agissons avec justice mais aussi avec humanité, nous ne sommes ni trop sévères, ni trop indulgent. Chacun saura désormais qu'il faut craindre et qu'il n'est pas permis de donner asile aux scélérats, ni de garder des ménagements avec des criminels endurcis. Ainsi nous verrons bientôt le peuple abandonner l'erreur et se convertir à la vérité. Nous, Tu Duc, roi avons parlé ; obéissez tous."

Le roi Tu Duc, mort en 1883

Ordre aux chefs de canton et aux maires de villages d'arrêter les prêtres européens et annamites. Peines contre ces derniers et contre leurs disciple. Mai 1857

"Ordre aux chefs et sous-chefs de canton el aux maires et adjoints de communes de faire de nouveaux efforts pour arrêter les prêtres européens et annamites. Ceux d'entre eux qui, par connivence, les laisseront s'échapper ou se cacher dans leur canton ou commune, seront punis d'une peine d'un degré plus forte que par le passé. Quiconque aura arrêté ou fait arrêté un prête européen, recevra une gratification de 300 taels d'argent et pour l'arrestation d'un prêtre annamite, il aura une récompense de 100 taëls, ou bien, s'il le préfère, il sera élevé à quelques dignités importantes ou il recouvrera celle qu'il pourrait avoir perdu. Si c'est un criminel, il recevra son pardon et sera réintégré dans tous ses droits civils. Les disciples des prêtres, qui refuseront d'apostasier et de fouler la croix aux pieds, tant ceux qui sont arrêtés pour la première fois que ceux qui, ayant déjà foulés la croix et qui refuseront de faire à nouveau, s'ils sont une seconde fois livrés au mandarin, ils seront condamnés à mort avec un sursis de quelques mois pour leur donner le temps de réfléchir et d'abandonner leurs erreurs. Après quoi. s'ils persistent dans leur opiniâtreté, ils seront impitoyablement mis à mort, afin par-là de détruire toutes les semences du mal"

Interrogatoire d'un chrétien

Édit de persécution générale 7 juin 1857

"La religion perverse de Jésus a d'abord été apportée en Chine, du temps des Minh. par un certain Loi-ma-doi ; ensuite elle s'est propagée dans notre pays, sous la dynastie des Lê. Cette religion fausse commença par s'introduire furtivement parmi les populations ignorantes qui habitent les rivages de la mer ; ces gens simples et sans lettres furent séduits par les ruses et l'argent des prédicateurs. Ceux-ci achetèrent plusieurs grands terrains incultes qu'ils défrichèrent et où ils établirent de beaux villages, ils construisirent des greniers à riz, des églises pour exercer le culte et enseigner leur mauvaise doctrine. Le peuple s'est attaché à eux avec passion et leur est soumis en tout. Peu a peu cette mauvaise doctrine s'est répandue par tout le royaume et maintenant environ les quatre dixièmes de notre peuple en sont infectés. Ils ont beaucoup de partisans cachés parmi les mandarins et les soldats et, si nous n'y prenons garde, cette peste finira par envahir tout le royaume.

Ici le roi parle des efforts que lui et ses ancêtres ont faits pour la détruire il cite les principaux décrets qui ont été rendus contre les prêtres et contre ceux qui les recèlent ou favorisent leur fuite puis il continue :

Mais le grand mal, c'est que les mandarins, soit par une coupable négligence, soit parce qu'ils sont distraits de ce devoir par d'autres affaires, soit aussi qu'ils se laissent corrompre par les sommes que les chrétiens offrent à leur ambitieuse cupidité, méconnaissent nos ordres ou les exécutent mal : de la il résulte que la mauvaise religion de Jésus étend ses filets sur le monde entier, et l'enveloppe de plus en plus de ses inextricables réseaux. Il y a des prêtres partout: la, ils ont pour refuge des cachettes souterraines, ailleurs ils habitent des maisons entourées de murs ou de fortes haies de bambou. Le mandarin vient il pour les prendre ; leurs adeptes leur donnent aussitôt avis et tandis qu'ils parlementent avec l'officier pour gagner du temps, les proscrits s'échappent furtivement par des passages secrets. Ces prêtres sont, du reste, très habiles à exciter la générosité du peuple qui, pour eux, est disposé à toute espèce de sacrifice ; aussi, quand il leur arrive quelque mauvaise affaire, et lorsqu'il même ils sont arrêtés, ils trouvent sur le champ des milliers de taels pour se tirer d'embarras et pour payer leur rançon. Le mal vient donc des gens en place, qui, se laissant corrompre pour de l'argent, étendent la rigueur des lois.

Après ces considérations et ce blâme, le roi s'efforce de stimuler le zèle des mandarins, des soldats, des notables, des magistrats en retraite ou destitués, de tous les païens, en un mot, tout ceux qui ont des chrétiens dans leur voisinage, afin qu'ils recherchent, et arrêtent les prêtres européens ou annamites avec leurs élèves. Des primes et des dignités sont promises à tous ceux qui acquerront quelque mérite dans cette bonne oeuvre, et des peines plus rigoureuses sont prononcées, soit contre les fonctionnaires coupables d'incurie sur ce point important, soit contre les particuliers qui oseraient encore donner asile aux prêtres.

Voici la continuation : Quant aux simples chrétiens, ordre est donné aux chefs de-villages de travailler à leur conversion en leur faisant observer les cérémonies prescrites pour le mariage, les funérailles, le culte des ancêtres et respect des esprits tutélaires de chaque commune. Un délai d'un an est accordé pour cela : passé ce délai, on laissera en paix les chrétiens qui seront complètement revenus de leurs erreurs ; ceux qui auront persévéré dans le mal seront marqués aux joues du caractére Tu Dao et le nom de leur préfecture.

Pour vaincre leur obstination, on fera encore de nouveaux efforts pendant l'espace d'une année, après quoi, ceux qui sont restés toujours indociles seront condamnés, Ies hommes à servir dans la milice, les femmes à tenir lieu de domestiques aux mandarins. Après ces deux années d'épreuve, les chefs de villages païens qui auront bien rempli leur devoir, recevront une récompense proportionnée à leurs mérites: dans le cas contraire, ils seront punis par la perte de leur dignité."

Missionnaire et catéchistes

Ordre de surveiller et de détruire l'organisation des paroisses chrétiennes, 8 décembre 1857

"La religion de Jésus corrompt le cœur des hommes. Le système employé par les prêtres européens pour parvenir à ce but est très astucieux. Ils se divisent le pays pour répandre leur mauvaise doctrine. Dans les villages qui l'embrassent, ils battissent des maisons pour leur résidence et des églises pour l'exercice de leur culte et y placent des prêtres annamites pour les administrer. Ceux des chrétiens qui ont de l'importance par leur instruction et leur habilité, ils les établissent chefs de leurs coreligionnaires pour la gestion des affaires extérieures. De là il arrive que, malgré une défense la plus sévère porté contre cette mauvaise doctrine, elle n'a cependant pas encore été détruite et que malgré les poursuites les plus actives, exercées contre ses ministres, ce qu'on a pu arrêter et livré au supplice, ne sont pas en très grand nombre. Les Prêtres européens parcourent le pays, parce que les prêtes annamites leur en facilitent les moyens et les cachent dans le besoin. A leur tour, les prêtres Annamites vont et viennent, répandent partout leurs erreurs, ont des maisons pour se retirer et cacher les prêtres européens, parce qu'ils sont protégés par les chrétiens importants qui gèrent leurs affaires extérieures et dont plusieurs sont maires de commune, ou chefs de canton et jouissent de quelque dignité populaire. C'est un tissu de soutiens et de protections mutuels très bien combiné et très difficile à rompre. Comment les chrétiens ont-ils pu s'organiser si habilement pour se secourir, et se secourir avec tant de force, si ce n'est par la faute des mandarins locaux, qui par connivence ou par faiblesse, ou corrompus par leurs présents, gagnés par leur argent, les laisse librement respirer, au lieu d'observer les édits royaux, en les poursuivant sans relâche ? Ainsi, les grands mandarins de chaque provinces, doivent apporter un grand soin pour surveiller et examiner la conduite des mandarins subalternes, dans les localités ou il y a des chrétiens : si ce sont des hommes faibles incapables de rompre l'organisation des chrétiens, des hommes faciles à séduire, et trop portés à la commisération envers les coupables, il faut les changer et mettre à leur place des hommes forts et inflexibles dans l'exercice de leurs devoirs, et qui soient capables de forcer les chrétiens d'obéir aux lois et d'arrêter les prêtres annamites ou européens qui oseraient fixer sur le territoire soumis à leur juridiction."

Mandarins

Édit contre les mandarins chrétiens 15 décembre 1859

"La religion perverse cause des maux infinis. On ne peut l'assimiler aux autres sectes superstitieuses, lesquelles sont tolérées par le gouvernement, tandis que la première a toujours été proscrite. Ceux qui observent cette religion forment une société particulière et quoique'ils ne soient pas ouvertement révoltés contre nous, il est évident qu'au fonds du cœur ils soient attachés fortement au parti d'un autre royaume. C'est pourquoi nous ordonnons que l'on fasse une recherche exacte de tous les mandarins qui appartiennent à cette secte maudite. Ceux qui l'auront abjuré sincèrement seront néanmoins déchu de toute dignité. Quant à ceux qui refuseront de l'abjurer, les mandarins de lettres, du neuvième au dix huitième degré, et les mandarins militaires, depuis le sixième degré et au dessous, seront condamnés à être étranglés avec sursis. Tous ceux des degrés supérieurs seront étranglés sur-le-champ. Il faut donc procéder à une enquête générale, afin de découvrir jusqu'au dernier des fonctionnaires chrétiens. Tous ceux qui ne les accuseront pas ou qui les cacheront seront passibles de la même peine qu'eux."

En 1859, les catholiques organisent une grande fête pour les 40 ans de Ming manh. Chose étonnante, le roi est d'accord pour y participer ! 

Missionnaire et catholiques

Édit contre les soldats chrétiens Décembre 1859 

Nous ne connaissons que le résumé de cet édit que voici : les soldats chrétiens doivent être mis en demeure de fouler aux pieds la croix. Quiconque s'y refuserait serait marqué à la figure, chassé de l'armée et condamné à l'exil perpétuel.

Procession catholique

Édit de persécution générale 17 janvier 1860

"Depuis longtemps, la religion perverse de Jésus a pénétré dans ce royaume et s'est répandue partout et a séduit le peuple; des édits sévère la prohibent. Quand les chrétiens sont dénoncés, on les punit sans miséricorde, mais ces imbéciles sont si profondément aveuglés, qu'un grand nombre demeurent encore attachés à cette mauvaise doctrine. Quand les navires sauvages sont venus ici, sans aucun motif, et ont jeté le trouble et le désordre dans les province de Quang Ngan et de Gia Dinh sans cependant obtenir aucun succès, ils ont demandé d'abord à faire alliance avec nous et nous ont humblement prié d'accorder la liberté de la religion. Il est donc évident que ces barbares n'ont pas d'autres intention en venant ici.

Les sectateurs les plus influents de cette religion perverse pensent certainement qu'à la prière de ces sauvages nous révoquerons peut-être les édits qui la prohibent. Nous sommes intimement persuadés qu'ils nourrissent cette espérance au fond de leur cœur. II faut donc les châtier une bonne fois, séparer le bon grain d'avec cette mauvaise herbe, le bon peuple d'avec cette canaille, afin d'anéantir ces espérances perfides.

Quant à ceux qui nourrissent dans leur esprit des sentiments hostiles, il faut les séparer, les disperser dans les villages voisins et les mettre sous la surveillance de bons gardiens. Nous ne parlons pas ici des vieillards, des femmes, des enfants, ni de ceux qui demeurent paisibles. Ainsi nous avons clairement désigné ceux qu'il faut emprisonner, ceux qu'il faut disperser et ceux qu'on doit laisser tranquille. Il y a des villages qui sont composés entièrement de cette canaille. Il y en a d'autres où le bon peuple et la canaille sont en nombre égal, il y en a aussi où la canaille est peu nombreuse. Là où ils sont en majorité il faut enfermer tous leurs chefs, ainsi que ces femmes déterminées qui vont porter partout des lettres et des nouvelles. Pour les villages où la canaille est en petit nombre, le bon peuple de ces villages suffira à les garder. Tout ce que nous venons de dire regarde spécialement les préfets et sous-préfets. Ces mandarins doivent aussi faire le dénombrement de tous les garçons au-dessus de quinze ans et les passer en revue à des jours fixes afin de s'assurer qu'ils sont dans leurs villages. Si quelque uns s'absentent, il faudra aussitôt arrêter leurs gardiens, les punir et les obliger à les retrouver; autrement ils seront responsables et punis à leur place Les préfets et sous-préfets qui seraient négligents seront punis aussi. C'est ainsi que nous arriverons à séparer les honnêtes gens des fourbes et les bons des méchants. Tous nos fonctionnaires doivent considérer attentivement ces prescriptions et s'y conformer avec soin. Si quelques-uns suivent encore leurs idées particulières, comme par le passé, ils seront châtiés comme désobéissant aux lois. Ne voyez-vous pas que nous sommes forcés de nous fatiguer continuellement pour vous instruire ? Pour tout le reste, qu'on se conforme aux anciens édits."

Édit contre les religieuses Juillet 1860

"Les chrétiens sont une canaille bien endurcie; il est bien difficile de les rappeler à de meilleurs sentiments. Ils se servent de femmes perverses, qu'ils appellent vierges et sœurs, pour recéler les objets de culte et porter des nouvelles d'un lieu à un autre. Il faut faire usage des catalogues qu'on a dressés dans chaque province pour les surveiller. On doit serrer la bride à ce mauvais peuple et défendre aux hommes, aux femmes, aux enfants de s'éloigner d'eux. Il est défendu de donner des passeports aux chrétiens pour aller d'un lieu à un autre. Ils doivent rester dans leurs villages, afin qu'on puisse les passer en revue et les exhorter à revenir dans la bonne voie. Si donc on vient à arrêter encore de ces mauvaises femmes qui vont sans cesse d'un lieu à un autre, il faut se conformer aux sentences déjà portées contre elles, dans les provinces d'Ha-noi et de Phu-yen pour les punir, afin qu'elles se corrigent."

Ordre aux mandarins de presser l'apostasie des chrétiens, 24 août 1860

"La religion perverse des chrétiens s'est propagée dans le pays depuis longtemps le gouvernement n'a cessé de prendre toutes sortes de mesures pour la prohiber et l'abolir ; Cependant ces sectaires ne se sont pas encore corrigés. Il ne faut pas perdre courage pour cela, mais il faut continuer à employer la persuasion et la force pour les presser de se convertir et d'observer les excellentes coutumes du royaume. Petit à petit leur nombre, bien loin de se multiplier, ne fera que diminuer, et l'on viendra à bout d'en faire des gens vertueux. Dans les catalogues d'apostasie que les mandarins nous ont envoyés, ceux de la province de Hanoi porte le nombre des apostats à 3500: comment se fait il qu'ils en aient converti un si grand nombre si rapidement, tandis que dans la province de Nam-Dinh, où les chrétiens sont beaucoup plus nombreux, les mandarins ne comptent que trois cents apostats ? Comment se fait-il que ce nombre soit si petit ? Il est évident que cela ne peut venir que de la négligence des mandarins. Les catalogues des mandarins qui sont si remplis et ceux qui sont si faibles prouvent que ni les uns ni les autres ont bien fait leur devoir… Les mandarins doivent se conformer à nos édits et à nos volontés dans leur conduite et ne pas demeurer dans l'inaction, ni user d'indulgence envers les coupables. Parmi les mandarins inférieurs, il y en a même qui profitent de l'occasion pour s'enrichir et grever le peuple. Ils se laissent gagner par des présents, et gardent le silence: si tous étaient dans de pareilles dispositions, à qui pourrions-nous confier les charges et le soin des affaires ? Il n'y a pas longtemps que nous avons publié un édit ou nous partagions ces sectaires en trois classes : la première comprend ceux qui ont apostasié, mais qui cependant ne sont pas sincèrement convertis ; la seconde, ceux qui refusent d'apostasié mais qui sont des hommes paisibles ; la troisième, ceux qui refusent obstinément d'apostasier, et qui de plus sont des hommes méchants. Il faut renvoyer les premiers chez eux et les laisser en liberté ; il faut enfermer les seconds en prison. Il en faut faire de même pour les troisièmes en y ajoutant d'autres peines infamantes. Quant à ceux qui seront renvoyés chez eux, il faut les mettre sous la surveillance des païens du voisinage. Nous ordonnons à tous les mandarins des provinces, depuis les premiers jusqu'aux derniers, de défendre à tous ces sectaires, hommes, femmes, garçons et filles de s'absenter. De plus, les préfets et les sous-préfet se rendront inopinément dans leurs villages pour les passer en revue et les instruire. Enfin, tous les deux mois, les mandarins enverront un rapport et feront connaître le nombre de ceux qui ont apostasié. Toutes ces ordonnances sont très claires. Nous n'avons qu'une intention, c'est de rendre le peuple parfait. Il faut donner connaissance de cet édit à tous les mandarins petits et grands, afin qu'ils s'y conforment et qu'ils obligent les chrétiens à apostasier, et a abandonner leur religion si cordialement qu'il n'y ait plus lieu de craindre qu'ils y retournent dans la suite. Il faut aussi observer exactement tous les édits précédents: si quelqu'un y manque en quelque chose, il sera sévèrement puni sans avoir lieu de se plaindre."

Édit de dispersion générale 1860

"Article 1 Ceux qui portent le nom de chrétiens, hommes ou femmes, riches on pauvres, vieillards ou enfants, seront disperses dans les villages païens. Article 2. Tout village païen est responsable de la garde des chrétiens qu'il aura reçus, dans la proportion d'un chrétien sur cinq païens. Article 3. Tous les villages chrétiens seront rasés et détruit ; les terres, jardins et maisons seront partagés entre les villages païens des alentours, à la charge pour ceux-ci d'en acquitter les impôts. Articte 4. Les hommes seront séparés des femmes ; on enverra les hommes dans une province, et femmes dans une autre afin qu'ils ne puissent se réunir ; les enfants seront partagés entre les familles païennes qui voudront les nourrir. Article 5. Avant de partir, tous les chrétiens, hommes, femmes et enfants, seront marqués à la figure ; on gravera sur la joue gauche les deux caractères Tu Dao (religion perverse) et sur la joue droite, le nom du canton et de la préfecture où ils sont envoyés, afin qu'ils ne puissent pas s'enfuir."

Édit d'abandon de la persécution contre les Chrétiens,  1865

Ce texte a été promulgué par Tu Duc à la demande des français pour mettre fin à la persécution. Après avoir pris connaissance de tous les édits précédents, on croit réver en lisant ce texte. Pas seulement parce qu'il est aux antipodes des idées précédemment reprises dans les textes précédents, mais aussi par la dureté des termes utilisés contre l'incurie de sa propre administration et l'esprit de lucre des mandarins. 

Extraits:  « Les mandarins sont les maîtres du peuple, l'appui et le soutien des ministres : or ils négligent d'apprendre au peuple la concorde ; bien plus, ils le ruinent, ils l'oppriment; ils ne songent qu'à s'engraisser de ses dépouilles ; ils ne prennent aucun soin des affaires de l'Etat. A quoi donc sert votre autorité ? est-ce là remplir votre devoir ? Cette conduite est-elle digne d'un représentant du roi ?

Ou encore : 

« Pendant les troubles dont nous venons de parler, les dépositaires de l'autorité ont profité de l'occasion pour casser le bambou déjà ployé par le vent; ils ont abusé de leur pouvoir pour opprimer les chrétiens, piller et dévaster leurs biens et en remplir leurs propres coffres , tandis que le gouvernement ne recueillait que la honte de ces déprédations. Ces mandarins n'ont eu aucun souci de l'honneur des ministres ; ils n'ont maintenant qu'une crainte, c'est de se voir enlever leur butin ; ils tiennent conseil entre eux; ils inventent mille fables qu'ils répandent ensuite parmi le peuple. "

Intégralité de l'Edit en faveur des Chrétiens: 

Edit en faveur des catholiques

Le traité Philastre et le massacre des catholiques au Tonkin en 1874

Suite au décès de F Garnier peu après la prise de la citadelle de Hanoi, en novembre 1873, Philastre signe un traité - habituellement qualifié de "désastreux" - avec la cour de Hué par lequel la France se retire du Tonkin. Mr Puginier, l'évêque en charge du Tonkin s'inquiéta auprès de M Philastre du sort des catholiques. Rien n'était prévu dans le traité, et rien ne sembla émouvoir Philastre. Alors les catholiques, jugés comme favorables aux Français, furent les victimes toutes désignés de la vengeance des mandarins. Du nord au Sud du Tonkin, les plus belles paroisses du Tonkin furent pillées et brûlées, les habitants massacrés. La mission du Tonkin occidental a perdu plusieurs centaines de chrétiens et 107 paroisses furent détruites. Dans le Tonkin méridional, il y eut 4500 chrétiens égorgés et 300 chrétientés anéanties. Tu Duc avait autorisé ces agissements et les ennemis de la religion s'en donnèrent à cœur joie. Néanmoins, l'attaque des catholiques se transforma peu à peu en révolte contre le roi. Finalement, la loyauté des catholiques permit aux troupes du roi de reprendre le dessus et de rétablir la paix dans le royaume...

Le guet-apens de Hué de 1885 et massacre des catholiques lors de la révolte des Lettrés

A la mort de Tu Duc, les deux régents Tuyet et Tuong prépare un plan de massacre général de tous les chrétiens. A défaut de pouvoir battre les français, il faut absolument éliminer ces ennemis de l'intérieur. Différé partiellement pour des raisons obscures, il sera finalement mis en oeuvre indirectement lors de la révoltes des lettrés, suite au coup de force raté de Hué, le 5 juillet 1885. 

Le recensement des catholiques de la Cochinchine avait donné, en 1884, le chiffre de 41 834; il n'en compta plus que 17 000 en 1886. La mission de Cochinchine septentrionale ne perdit aucun prêtre européen mais elle eut a déplorer la perte de dix prêtres indigènes et de dix mille chrétiens. Dans toute cette partie de l'Annam, qui va du Tonkin méridional à la Cochinchine française, les chrétiens furent traqués comme des bêtes fauves. Les uns, conduits par leurs prêtres, se réfugièrent à Hué, et les autres à Qui-Nhon. Quelques milliers furent sauvés par des navires que Mgr Colombert, le vicaire apostolique de la Cochinchine occidentale, fréta et envoya explorer les côtes.

En moins d'une année et demie, il y eut probablement plus de 60.000 chrétiens massacrés avec 18 missionnaires français et plus de 40 prêtres annamites. Plus de 9.000 chrétientés furent anéanties de fond et comble..

Sommaire