Le Naufrage du Haiphong    

3 décembre 1924

Un naufrage prévisible...

 

A Hué, il y a un petit cimetière appartenant aux Frères des Écoles Chrétiennes. Entre les tombes des professeurs qui se sont succédés au lycée Pellerin depuis 1904, se trouve un monument funéraire érigé à la mémoire de 6 frères morts en 1924 dans le naufrage du " Haiphong " …

 

Le monument funéraire du cimetière des Fréres des Ecoles Chrétienne à Hué (rue Phan Boi Chau)

La littérature coloniale abonde de récits héroïques ou, au contraire, d'angoisses vécues pendant les traversées.. Les typhons et les tempêtes le long des côtes d'Annam sont particulièrement craint… Les naufrages sont fréquents mais, la plupart du temps, il n'y a pas de français à bord, et l'on en parle pas ou peu..

Mais revenons à notre vapeur " Haiphong " ! Il a été construit en 1885 à la Ciotat et mesure 89 métres de long avec une puissance de 15 nœuds par heure (environ 28 km heure). Il servira pendant 38 ans en Indochine pour le compte des Messageries Maritimes. Devenu vétuste, rayé des listes des assureurs, il est désarmé puis vendu pour être mis à la casse…La pénurie de bateaux à cette époque en Indochine va donner d'autres idées au chinois, un certain A Bay, qui le rachete ! Celui ci l'arma à nouveau, le fit réparer sommairement et lui donna un nouveau nom (" Saigon "). 

 

Le vapeur Haiphong (source: http://www.frenchlines.com)

 

Il demanda ensuite une autorisation de navigation. Celle-ci lui est refusée formellement à 2 reprises par le bureau Véritas, représenté localement par M Karcher. L'armateur finit pourtant par obtenir une autorisation donnée par un autre service administratif…

Avec un équipage essentiellement chinois, il quitte Saigon le 27 novembre et rallye péniblement Quinhon après 6 jours de navigation au lieu de 2 habituellement…L'état du bateau est déplorable : le gouvernail est faussé, une palette de l'hélice a été perdue (une seule hélice à bord), la cargaison arrimée à la chinoise, c'est-à-dire sans ordre, ballotte et les touques d'essence et de pétrole fuient, dégageant une odeur qui incommode les passagers ; car, pour comble d'imprudence, on a chargé sur ce mauvais rafiot dont les trous de la coque ont été bouchés avec du ciment, 170 tonnes d'essence et de pétrole !

 

Le vapeur Haiphong (source: http://www.messageries-maritimes.org)

 

Sans avoir réparé, le bateau repart le lendemain pour Tourane (actuelle Danang). On restera pour toujours sans nouvelles de sa part. Le bateau ne dispose pas de radio, et l'aviation de l'époque, pourtant équipée d'hydravions, répond ne pas être en mesure de faire des recherches en mer… Est-ce la tempête qui sévissait sur les côtes d'Annam ? Est-ce les touques d'essence ? On ne connaît pas l'origine exacte du sinistre. Le bilan est terrible : 128 annamites et chinois, 12 français dont les 6 frères des Écoles Chrétienne vont périr dans ce drame. Il n'y aura aucun survivant

 

L'article du Figaro du 4 février 1925. Il comporte quelques erreurs

 

On réclama que des services compétents soient créés dans les colonies pour inspecter les bateaux… A court terme, après le refus d'embarquer de certains équipages, on rend obligatoire la radio pour les bateaux en contrat avec l'administration qui transportent des passagers ... 

La presse de métropole ne sera prévenue que 2 mois après le sinistre, ce qui provoquera un tollé. Le Ministre des Colonies est interpellé par la Chambre des Députés. La Fédération des Capitaines au long cours réclama l'application dans les colonies des mêmes règlements qu'en métropole...

 

Sources principales : L'Eveil Economique 1924 et 1925, le Figaro, la revue du Pacifique

Lire les articles de la Revue du Pacifique :

Naufrage du Haiphong

Naufrage du Haiphong avec le fac similé de la lettre écrite par M Karcher   

Naufrage du Haiphong Le manque de navire en Indochine

 

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