Le problème de la main d'œuvre en Indochine, vers 1930

 

A la fin des années 20, des milliers d'hectares s'offrent à l'euphorie du caoutchouc. C'est une période faste pour l'Indochine.

 

En 1925, on évalue à 50.000 le nombre d'hommes nécessaires pour la mise en valeur des concessions attribuées en Cochinchine, Sud Annam et Cambodge.

 

 

Coolies d'Annam à leur arrivée

 

Comment faire pour trouver cette force de travail ?

 

Au Tonkin bien sur, dont la densité approche les 400 habitants au km carré ! La spécificité de l'Indochine est en effet sa répartition inégale de la population. La densité moyenne est de 28 habitants au km2, soit déjà plus élevée, à cette époque, que celle de l'Afrique (2,6 pour l'AOF, 1.3 pour l'AEF), Madagascar (5), le Siam (19).. Mais les 4/5 de la population se concentre dans les deux deltas, et ce depuis des temps immémoriaux. Déjà Tu Duc et Minh Mang cherchaient à encourager la population à aller vers les forêts désertes, mais en vain.

 

Le Tonkin est surpeuplé, ce qui aboutit régulièrement à de terribles famines.

D'ou une volonté des planteurs cochinchinois de faire venir leur main d'œuvre de cette partie du pays.

 

Ouvrage de propagande en faveur des planteurs du sud de l'Indochine.

 

 

En réponse aux critiques formulées par la presse et notamment dans le livre "Les Jauniers", l'administration va prendre un certain nombre de mesures afin d'encadrer les pratiques des recrutements et offrir quelques droits supplémentaires aux coolies.

 

Voici le point de vue des planteurs, à travers un fascicule paru vers 1930 aux éditions de la Dépêche Coloniale, intitulé "Le problème de la main d'œuvre en Indochine" 

 

 

 

  

Les blocages aux recrutements

 

Résistances locales

 

Chacun souhaitant préserver ses intérêts, les français du Tonkin font obstacles aux recrutements, en fermant leur province pour des périodes plus ou moins longues. Un décret précise que ce sera finalement le Gouverneur lui même qui statuera sur le bien fondé de ces mesures prises localement.

 

Débarquement des coolies à Saigon

Sélection des engagés

 

Les planteurs du sud veulent participer aux recrutements qui sont, d'après leur propos, menés par des intermédiaires d'abord guidés par le profit...

 

En 1925, il y a 3 visites médicales avant chaque envoi de coolie dans le sud :

1, dans la province du coolie ; à cette occasion, le recrue est vacciné contre le choléra et la variole,

2, la seconde à Haiphong,

3, une troisième avant le départ du bateau.

 

Infirmerie d'une plantation 

 

Voici le commentaire d'un planteur sur la qualité des recrutements :

 

"Les convois sont devenus franchement mauvais.  Ils ne se composent que de rôdeurs de faubourg des grandes villes, laissés pour compte des maisons de jeux ou de tolérance, n'ayant jamais fait oeuvre de leurs doigts, d'éléments de rebut vivant aux abords immédiats des villages du Tonkin et de l'Annam, lépreux, ulcéreux, aveugles, mendiants ou voleurs de profession. Le porteur d'ulcère l'est trop souvent depuis son jeune age. Il fait naître et sait entretenir son mal, ayant pendant des années exhiber sa plaie en sollicitant la charité des passants. Soigné par les planteurs, il use de tous les moyens pour éviter la possible guérison.

Ceux qui entretiennent leur conjonctivite on leur trachome à l'aide de grains de sables, de boulettes, d'argile sont légion. Si l'on veut tenter de les faire travailler, ils s'enfuient dans la forêt et nous reviennent lamentables, perdus."

 

Et ce, malgré les 3 visites médicales...

 

 

Infirmerie d'une plantation 

 

 

Propagande nécessaire

 

"Pour transporter en Cochinchine les bons cultivateurs, les vrais nhaqués du Tonkin, si travailleurs, souvent si bien doués, il importe de vaincre leur terreur de la forêt, de leur montrer l'intérêt et les avantages de leur nouvelle vie, de ne pas hésiter non plus à les transporter avec leur femme et même avec leurs enfants."

 

"Une propagande doit être faite par le cinéma par exemple, leur montrant comment ils seront logés, traités, le travail qu'ils auront à faire."

 

"Les Annamites ont grand peur de la traversée de la mer. Quand le transindochinois sera construit, ils hésiteront moins à partir."

 

 

Plantation de cannes à sucre

 

Entente entre les planteurs

 

"L'organisation d'un recrutement unique, non point officielle et gouvernementale, mais crée par les planteurs eux même, s'impose."

 

Départ des coolies au travail

 

Dépenses entraînées par le recrutement

 

En Indochine, ce sont les planteurs qui payent l'ensemble des frais liés au recrutement de main d'œuvre.

 

Les coûts, à cette époque, sont les suivants :

- 39 piastres, pour les frais de recrutement et de passage,

- 10 piastres, pour l'avance versé avant le départ,

- 2,50 à 3.50 piastres, pour l'équipement fourni.

Soit un total minimum de 51,50 piastres par coolie.

 

 

Préparation des boutures de canne à sucre 

 

 

"Il importe de noter que si les médecins, à l'arrivée, par un avis opposé à celui de leurs collègues du Tonkin, donné au maximum 8 jours avant, décident que les coolies sont inaptes ou indésirables, ils sont rapatriés à la charge du planteur ; tout est perdu et les frais de retour s'ajoutent à la facture. Le planteur s'adresse vainement au recruteur qui se déclare bien entendu couvert par les visites médicales et se refuse à tout remboursement."

 

En Malaisie, le système fonctionne différemment : c'est l'état qui paye tout. En plus, les planteurs reçoivent une allocation par coolie recruté de 10 piastres par an. Ces dépenses sont alimentées par "l'Immigration Funds" alimenté en partie par une taxe payée par les planteurs de 4 piastres  par homme et par trimestre et de 3 piastres pour les  femmes.

 

Respect des contrats signés par les coolies

 

Les planteurs doivent, en dehors du paiement du salaire prévu, variable suivant les régions, en moyenne 40 cents par jour, veiller à la santé, et assurer la nourriture et le logement des coolies.

 

plantation d'hévéas 

 

Les coolies n'observent pas toujours leur contrat - débauchage et désertion

 

"Nous voulons insister ici sur les désertions qui atteignent parfois 20 et même 25% de la main d'œuvre de certains domaines, en l'espace de quelques mois."

 

"Dans la proportion de 75%, la cause de la rupture unilatérale du contrat peut être attribué au débauchage des coolies engagés par des tentateurs indigènes, aux gages de petits entrepreneurs, planteurs, tacherons, qui exploitent auprès des travailleurs infidèles l'appât de primes, de salaires plus élevés, d'un séjour plus agréable dans des régions plus habitées.."

 

Les planteurs plaident pour des fiches d'identification.

Au surplus, les employeurs ne devraient accepter sur ces exploitations que des coolies en situation régulière.

Et ils insistent pour que le corps des contrôleurs joue le rôle de surveillance et d'arbitre qu'il se doit de remplir.

 

Un village sur une plantation de canne à sucre

Évolution du droit du travail en Indochine

Réglementation du travail, recueil des textes en 1929

Les textes étaient différents suivant les états de l'indochine.

Exemple : la Cochinchine

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