L'histoire du chemin de fer de Khône...

 

L'histoire est racontée par Jean Michel Strobino dans un article de la Vie du Rail publié en 1992. Vous trouverez ci dessous un résumé avec quelques extraits de l'article qui est également proposé à la lecture en fin de page. Merci à l'auteur pour cette contribution fort intéressante. 

Un objectif d'abord militaire: assurer la présence française sur le cours supérieur du Mékong

Tout commence en juillet 1893 lorsque, pour s’opposer à une mainmise du Siam sur des territoires laotiens de la rive gauche du Mékong, le Gouvernement Francais riposte par une opération navale devant Bangkok. L’intimidation a du bon. Par un traité du 3 octobre, le Siam renonce à toute prétention sur la rive gauche du Mékong au profit de la France. Reste à s’imposer sur le terrain. Il apparaît très vite que seul l’établissement d’une force navale sur le cours supérieur du Mékong serait à même de répondre à cet impératif. Mais pour cela, il faut franchir les chutes de Khône…

La Mission Hydrographique du Haut Mékong est crée par le sous secrétaire d’Etat aux Colonies. Elle est confié au jeune lieutenant de vaisseau Simon. L’objectif est d’abord de mettre à flot deux chaloupes-cannoniéres au dessus des chutes de Khône. Ces cannoniéres devaient ensuite tenter de franchir en amont, et aussi loin que possible, les nombreux défilés et rapides du fleuve.

Carte de Khone (carte paru dans l'article de la Vie du Rail)

Deux cannonières sont commandées en France en mars 1893, de 22 tonnes chacune pour une longueur de 26 mètres, et démontables en 5 tranches. Baptisées La Grandière et Massie, elles sont réceptionnées en juillet de la même année à Saigon, puis sont assemblées, armées et mises à flot pour enfin être amenées jusqu’à l’île de Khône, terminus de la navigation.

Sur place, le Lieutenant Simon poursuit ses travaux préparatoires au transbordement des cannonières par voie de terre, méthode qui a déjà donné de bons résultats en Afrique. Les Messageries Fluviales de Saigon sont sollicitées pour fournir la voie (écartement d’un mètre) et un chariot pouvant supporter 35 tonnes. On souhaite en effet transborder en une seule fois chaque cannonière, sans avoir besoin de les démonter puis remonter. 2 mois sont nécessaires pour construire la route longue de 3km et les équipements de transbordement. Les travaux se font dans des conditions difficiles. Le matériel est rudimentaire, le climat insalubre et la communication avec Saigon difficile… 500 coolies annamites sont réquisitionnés mais les nombreuses tombes disséminés un peu partout sur l’île témoignent de la mortalité importante.

Après de nombreuses péripéties (avaries sur les 2 chaloupes, nécessité de construire un nouveau quai de transbordement et 2 km de voies supplémentaires, absence de rails supplémentaires pour l’extension de la voie..), le transbordement peut s’effectuer. Une nouvelle chaloupe, le Ham Luong, vient remplacer la chaloupe Massie, mais elle doit être démonté en 2 parties en raison de son poids plus élevé. Les chaloupes sont hissées hors de l’eau, puis posées sur le chariot transbordeur, qui est lui-même tiré par une dizaine de coolies. Le 1er novembre 1893, les chaloupes Massie et Ham Luong flottent enfin sur le bief supérieur.


Le Ham Luong, lors du transbordement (photo de l'article de la Vie du Rail)

 

Au début de 1894, la voie est complétée et améliorée. Les bassins d’échouage et de mises à flots recreusées et leurs fondations et parois consolidés. Ce qui à la saison des hautes eaux permet le transbordement de la Grandière réparée entre temps. Chose faite le 5 septembre en 3 heures seulement. Remis à l’eau à Khône nord, elle rejoint le Massie en novembre et fait route avec lui jusqu’à Ventiane. De la elle poursuit seule son voyage d’exploration qui, le 25 Octobre 1895 et après bien des péripéties, la conduit jusqu’au rapides de Tang Ho, non loin de la frontière du Yunnan, point limite de toute navigation à vapeur sur le Mékong et fin de la mission du Lieutenant Simon. Une réussite qui aura pour conséquence la conquête du Haut Laos par la France et de permettre le développement des échanges commerciaux entre le Laos et la Cochinchine.

Exploitation Commerciale: nouveaux bateaux

Le succès des premiers transbordements incite l’administration française a établir un service régulier de bateaux entre Khône et Luang Prabang. Pour ce faire, elle confie aux Messageries Fluviales le soin d’assurer ce service, en lui abandonnant toutes les infrastructures de transbordement sur l’île. C’est le Lt Simon qui est chargé de la mise en place de cette nouvelle liaison. 3 vapeurs sont commandés à cet effet, la Garcerie, le Colombert, et le Trentinian. Mais chaque chaloupe pèse 60 tonnes, 3 fois plus que les premières ! La voie doit être consolidée, les quais de transbordement réadaptés, ainsi que les bassins d’accueil.  Fin 1896, le transbordement est réussi.

Transbordement de la Garcerie

Passage à la vapeur en 1897, inauguration de la ligne par Paul Doumer

Les échanges commerciaux s’intensifient, et transitent par ce point de passage obligé, qui devient vite saturé. En 1897, dès la signature d’un nouveau contrat avec l’Administration Française, des travaux sont entrepris, notamment pour adapter la voie à la traction vapeur


 Chemin de Fer sur l'île de Khône

 

Une locomotive et quelques wagons sont commandées ; La locomotive est baptisé Paul Doumer, en l’honneur du gouverneur générale de l’Indochine qui vient inaugurer la ligne à l’occasion de son 1er voyage officiel au Laos

Cardamone, peaux, benjoin, ivoires, boix précieux sont acheminés vers Pnom Penh et Saigon. Dans l’autre sens, du tissus et des objets manufacturés.


 L'arrivée de Paul Doumer à Khône en 1897

 

Extension de la ligne en 1910, construction du pont 

En 1910, la voie de chemin de fer est étendu plus au nord, à travers l’île de Det, pour désenclaver l’accés de Khône Nord. Cette extension de 2 km nécessite la construction d’un pont à 13 arches de 158 métres de long. Les appontements de Khône sud sont modernisés et construits en ciments armés. Le trafic atteint 10.000 tonnes mais décline à partir de 1930. La construction d’une route le long du fleuve contribue au déclin. 

Abandon de la ligne à l'issue de la 2eme guerre mondiale

L’exploitation de la ligne cesse au cours de la 2eme guerre mondiale. Les japonais utiliseront la ligne à des fins militaires, avant l’abandon définitif des infrastructures. 

Au bout des 6.5 km de la ligne, le débarcadère de Khone Sud et ce qu'il en reste.

 Débarcadère de Khône Nord

Ce qui reste des rails et du matériel roulant..


 

Retrouver l'intégralité de l'article paru en 1992 dans la Vie du Rail    

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