Exemple d'architecture dans l'Indochine 1920 / 1930: 

Banque de l'Indochine et la SFFC

 

Banque de l'Indochine 

La Banque de l'Indochine a été crée en 1875. Elle obtient dès l'origine le privilège d'émission de la monnaie pour la Cochinchine (et Pondichéry) remplaçant par les "piastres" les anciennes monnaies utilisées jusqu'à cette époque (sapèques, piastres mexicaines, nen vietnamiens, taëls..). La banque, d'abord installée dans des locaux modestes à Saigon, va accompagner le formidable essor économique des années 20. Il s'agira alors de construire des bâtiments en rapport avec la puissance de la banque. 

En 1930, le réseau se développe et des agences sont actives dans de nombreuses villes, partout ou la France est présente. L'étendue de son réseau en dit long sur sa puissance de l'époque: Saïgon, Pondichery, Papeete, Djibouti et Nouméa pour les implantations principales. Bangkok, Battambang, Cantho, Canton, Fort Bayard, Haiphong, Hankéou, Hanoi, HongKong, Hué, Mongtze, Nam-Dinh, Pékin, Pnom Penh, Qui Nhon, Shanghai, Singapore, Thanh Hoa, Tien Tsin, Tourane, Vinh et Yunnanfou pour les établissements secondaires.  

 Guichets de l'agence de Hanoi

A noter que la Banque de l'Indochine fusionnera en 1974 avec la Banque de Suez, pour devenir la Banque Indosuez, puis, en 1996, le Crédit Agricole Indodosuez et enfin Calyon en 2004. Le siège historique est situé à l'angle du Bd Haussmann et de la rue d'Anjou à Paris, édifice construit par l'architecte Patouillard au début des années 20.

En Indochine, la montée en puissance de la Banque de l'Indochine se confirme d'année en année et elle devient, au cours des années 20, le partenaire quasi exclusif du Gouvernement Général, des grands groupes métropolitains et coloniaux, des municipalités. C'est la banque des grands projets. La banque a participé à la mise en valeur de la colonie comme aucune autre ailleurs : financement de la riziculture (dont les usines de décorticage), de l'hévéa culture ( notamment les premiers domaines, avant les capitaux de métropole viennent s'y intéresser), des compagnies de transports fluviaux, des mines de houille du Tonkin.

Le succès de la Banque en Indochine est étroitement lié à son président, Paul Gannay, qui consacra 35 ans de sa vie à l'édifice, à partir de 1915. Méfiant, il ne confiait les capitaux de sa banque qu'à des projets surs. Il se désintéressa rapidement aux projets menés par les "indigènes" ainsi que par ceux initiés par le gouvernement local. Les dividendes furent en rapport avec son implication sans borne pour son entreprise.

L'architecte Félix Dumail est engagé par la banque pour concevoir plusieurs agences en Indochine, tâches qu'il accomplira entre 1923 et 1929. Dumail, diplomé de l'Ecole des Beaux Arts de Paris en 1908, est surtout connu pour des projets de reconstruction de l'habitat au lendemain de la 1ere guerre mondiale, et notamment à Paris (rue Marcadet) et à Gennevilliers. C'est probablement via l'entremise de Jean Hébrard, frère d'Ernest, qu'il interviendra en Indochine.  

Agence de Saigon

Différents projets sont proposés pour l'agence de Saigon, attestant de l'évolution de pensé de l'architecte face aux spécificités de la vie dans les colonies. 

Le projet initial pose déjà le style "colossal" de l'édifice, avec ses colonnes le long des 80 mètres de longueur. Ce "palais de la méditerranée" d'architecture classique (projet de 1924) va évoluer sensiblement pour se transformer en un bâtiment monumental et, pour l'époque, moderniste. Le toit pentu va céder la place à un plat surélevé. Quelques touches locales viennent agrémenter les parties hautes avec la présence des discrètes Nagas. 

A l'origine, des appartements sont prévus au 3eme étage, avec, comme à Paris, le logement des domestiques prévu sous les toits. 

 

 

Le bâtiment construit en 1928

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La projet terminé, l'édifice n'est pas exempte de critiques, comme en témoigne ce courrier reçu par l'architecte en 1931 :

 

"Cher Monsieur Dumail, 

 

A mon dernier passage à Saigon, j'ai pris des photos de la Banque de l'Indochine, pensant qu'il vous serait agréable de les recevoir. Je vous en adresse ci joint avec quelques impressions personnelles. L'ensemble des façades fait bien, mais il est dommage que l'on ait aucun recul devant la façade principale. Il y a juste la largeur de la rue. Le détail des parties sculptées n'est pas très bien. C'est d'un mortier un peu grossier et ce qui est surtout ennuyeux, c'est la matière qui a été choisi pour les revêtements. C'est trop gris, trop ciment et l'imitation pierre n'est pas heureuse L'angle en rotonde fait bien. La façade postérieure est un peu compliqué. "

Agence de Hanoi

La présence de la banque de l'Indochine au Tonkin date de la conquête. La banque voit dans le Tonkin un pays riche et source d'une extension importante de ses opérations. C'est pour cela qu'elle pousse à l'annexion du Tonkin : elle financera ainsi le corps expéditionnaire et appuiera les grands emprunts voulus par les autorités civiles, notamment celui de Paul Doumer en 1898.

Une agence est d'abord construite en 1884 à Haiphong, plaque tournant du commerce, et ville de repli en cas de difficultés au Tonkin. 

L'agence de Hanoi ne date que de 1887, rue des Brodeurs. Une nouvelle agence est construite sur l'emplacement définitif vers 1900. Felix Dumail conçoit le bâtiment actuel entre 1923 et 1928. Rétrospectivement, on peut parler de "monolithe contemporain de l'apogée de l'économie indochinoise" (Olivier Le Brusq), avec son style colossal particulièrement prononcé. Les surfaces sont couvertes par un matériau gris et mat, qui devient l'élément commun aux banques en Indochine.

A la différence de l'Agence de Saigon, celle d'Hanoi reçoit de nombreux éloges, comme en témoigne ce courrier reçu par l'architecte du Secrétaire Général de la Banque de l'Indochine :

"Je vous adresse une série de photographies de notre nouvel immeuble principal de Hanoi qui sont de nature à vous intéresser puisque vous en êtes l'auteur. [..] On est très satisfait de l'éclairage par coupole qui répartit admirablement la lumière et ne permet pas au rayons lumineux d'entrer. C'est certainement un dispositif à adopter dans les pays tropicaux. D'autant qu'il assure  une bonne ventilation. D'ailleurs tous les gens qui ont vu ce bâtiment sont d'accord pour le déclarer très réussi et commode. L'entrepreneur a mis du temps à la construire mais il ne s'en est pas trop mal tiré."

Le hall central retient particulièrement l'attention, grâce à la lumière qu'il procure via des coupoles à double niveau dont l'obturation partielle est calculée en fonction du soleil.

Quelques photos des bureaux :

Agence de Cantho

Cette agence est également conçue par Félix Dumail en 1926.

Elle était située sur un emplacement de premier ordre, à la jonction entre le rach Cai Rang et le bras du Bassac. Le batiment n'existe plus aujourd'hui.

Sur les plans, on notera les chambres des "boys" sur la partie supérieure de l'édifice. 

Au rez de chaussée, le plan est traditionnel pour une banque de cette époque, avec la salle des coffres en sous sol. On notera néanmoins la salle des "compradores", négociants chinois qui font la jonction entre la banque et les célestes de la colonie. Les compradores engageaient sur leurs biens personnels la bonne fin des affaires conclues par son intermédiaire, en contrepartie d'une rémunération fixe et d'une commission liée au volume d'affaires. En revanche, on ne voit pas de salle réservée aux intermédiaires annamites, comme c'est le cas à l'agence de Saigon.

 

La Société Financière Française et Coloniale (SFFC)

La SFFC fut crée en 1920 et son siège était à Saigon. Son directeur, Paul Bernard, polytechnicien, prona l'association avec les autochtones, à travers notamment les livres qu'il écrivit ("Nouveau aspect du problème économique indochinois", paru en 1937). La SFFC prospectait les affaires intéressantes, et les proposait à la Banque de l'Indochine. Les deux établissements furent donc très complémentaires. Les 2 établissements furent d'ailleurs à l'origine de la création du Crédit foncier de l'Indochine. Le Crédit Foncier finança et réalisa de nombreux projets, à travers des opérations foncières et des constructions de lotissements.  

On peut toujours voir à Saigon l'ancien siège.

Agence de Haiphong

C'est l'architecte Georges-Henri Pingusson (1894-1978) qui fut chargé de sa conception. L'agence fut construite en 1926.

La bâtiment, aujourd'hui. C'est toujours une agence bancaire.

 

 

Différents plans et maquette de l'édifice

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

La construction

  

Les fondations

 

0144.JPG (137987 octets) La verrière, le point fort de l'édifice

Les différentes étapes de la construction

 

 

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